Il y a certaines images portées par des cartes postales qui semblent tenir un monde, une fiction, un certain imaginaire avec lesquels je comble les vides du réel disparu. Il semble bien que le Club Méditerranée soit aussi, rien que dans sa prononciation, l'occasion d'une culture commune qui se met en place à son invocation. Et puis, depuis Houellebecq ou depuis les Bronzés, ces lieux portent aussi une certaine attente de libéralité des moeurs.
Cette image pue le sexe :
Plein de couples alanguis sur des poufs Design écrasés par le poids des corps jeunes, des bras passés par dessus des cous, des mains qui se touchent...La charge érotique retrospective et plaquée ne fait pour moi aucun doute. Comment ne pas se laisser déborder ainsi par ce que nous avons pris l'habitude de croire bien plus que par ce que nous voyons (ou pas) de cette image.
J'aime surtout, je l'avoue, le moustachu à droite, son avant-bras puissant, sa solitude, son regard franc. Il n'y a aucun doute sur ma projection. On pourrait aussi, sérieusement, pour faire genre études supérieurs ou historien du Design s'attarder sur l'agencement mobilier de cet espace. On pourrait en décortiquer les signes de la modernité, d'un esprit chaleureux du moment : couleurs chaudes mais atténuées, boules de papier en grand nombre, oeuvre murale géométrique, cendriers oranges, murs blancs. Et...bien entendu...les fameux sièges qui ressemblent à quelque chose entre les Togos de Michel Ducaroy et les sièges automobiles genre Matra de l'époque. Très bas, très mous, je le redis, ils ne sont pas faits que pour s'asseoir. Non, je ne crois pas seulement projeter mes propres désirs mais je pense bien simplement souligner ici un esprit du corps de l'époque : avachi. Le corps glisse alors vers le sol, il ne peut lutter contre un allongement, cherchant avec les talons à retenir la glissade entre le Skaï des assises et le Tergal des pantalons. Je n'ai pas retrouvé l'éditeur de ces chauffeuses furieusement seventies.
Vous remarquerez que tout le monde sait que nous sommes là, que le photographe fait son image, on devine même que certains prennent une pose clairement signifiante des rapports qu'ils entretiennent les uns, les unes et les autres. On fabrique là un souvenir, on fait acte d'une déclaration de proximité sensuelle. Laissez-moi le croire (et donc le voir).
Par exemple, la jeune femme du fond est à la fois collée au jeune homme à sa gauche alors que celui à sa droite pose son bras dans son dos. On remarque que les chauffeuses semblent trop grandes pour une seule personne et trop petites pour deux, obligeant les couples à des proximités très marquées. J'adore ces agencements d'espaces, le jeu des jambes, des bras devant trouver de la place, tentant de se toucher.
Et même si, finalement, au vu de ma projection, l'origine de cette image n'a pas beaucoup d'importance, sachez tout de même qu'il s'agit d'une carte postale G. Carminati non datée pour le Club Méditerrannée de Livigno.
articles à relire :
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