En cette fin d'année, je me demande ce que signifie le ralentissement de ce blog. Certes, je trouve encore des bâtiments à vous montrer, certes, l'analyse des images et du médium que sont les cartes postales me réserve encore un peu de choses à vous dire mais il faut bien l'avouer, parfois, j'ai l'impression d'avoir fait le tour de la question.
D'ailleurs d'autres s'en emparent et des jeunes m'interviewent pour faire qui un mémoire qui une thèse qui un article. L'avenir est d'ailleurs dans leurs mains et il semble qu'une nouvelle génération regarde l'Architecture du Vingtième avec une bienveillance nouvelle, dans l'air du temps, entre surprise un peu fantasmée des Trente Glorieuses et prise de conscience de la disparition. Mais c'est trop tard. Et le sursaut des DRAC et des A.B.F sur les constructions du XXème sont bien trop tardives. Ils ont simplement, maintenant, vingt cinq ans de retard. Vingt cinq ans.
Et le Patri-washing bat son plein. On biberonne les jeunes architectes et artistes aux sciences humaines (philosophie, anthropologie, sociologie (et pas toujours la meilleure)) pour en faire des agents éclairés des "réhabilitations" qui sont souvent des dégradations déguisées en attention. L'enfer est toujours et encore pavé de bonnes intentions. Et surtout, c'est devenu grâce à l'écologisme un nouveau marché pour trouver du travail à ses jeunes architectes devenus des chercheurs en sociologie chargés de prendre en compte l'histoire des lieux et leur "mémoire", pour se donner le droit d'en éradiquer les spécificités. Les exemples parfaits et absolument transparents à cela sont, dans l'ordre de leur spectacularistion : les Tours-Nuages d'Émile Aillaud, véritable drame et honte, Toulouse-le Mirail grignoté tout doucement (pourquoi donc cet ensemble ne fut pas protégé il y a vingt cinq ans ? Qui en avait le pouvoir et n'a rien fait ?) ou la Tour Montparnasse devenue Tour Hidalgo de la Communication écolo-libérale parfaite à sa propre éradication à venir. Et tant et tant et tant d'autres, tous les jours on apprend de nouvelles transformations.
Mais qui sait ce que devient l'école d'architecture de Nanterre ? Qui pour pointer du doigt ceux (agents du Patrimoine d'alors) qui n'ont rien fait pour la classer ? Que va devenir l'icône absolue qu'est la Maison du Peuple de Clichy dont on a vu comment elle fut abandonnée à la fois par les institutions locales du Patrimoine (régionales, municipales) mais aussi par le Ministère de la Culture. Faut croire que de ministre en ministre le mot est passé de ne rien faire...
On voit aussi comment l'exceptionnalité, l'étrangeté, le truc bizarre et marrant, l'icône reconnue et instagramée sont pris bien plus au sérieux que les éléments urbanistiques ou architecturaux qui ont pourtant façonné l'idée de la Ville au siècle dernier. Ainsi on sauvera l'église moderne (et encore pas toujours) au milieu de la Cité mais on laissera détruire le plan d'urbanisme, le sens des circulation, le rapport à l'espace et l'architecture-même du Hard French dont les mots de la Novelangue font des "passoires thermiques", des "lieux d'insécurité" et donc des actions politiques possibles pour des politiques en manque d'actions sociales visibles et surtout visibilisées par le spectacle de la dynamite salvatrice. Boum, quand notre coeur fait boum dans un monde où le manque de logements construit un étrange parallélisme avec la destruction radicale de bâti.
On pourrait penser que face à certaines icônes les institutions patrimoniales ont un peu honte de la visibilité de leur manque d'action. Vous comprenez sauver la piscine Tournesol c'est plus sympa que sauver la Cité Trumuche que tout le monde ne perçoit plus que comme la plaque tournante d'un marché illicite. En réunion, face à la presse, on se donne le change d'une action symbolique. Mais si, mais si, regardez on a sauvé la piscine ! Voyez comme nous sommes attentifs à la mémoire des gens....On a fait venir une écrivaine et un artiste contemporain pour faire un travail avec les habitants. Youpi.
Alors bon, oui, il y a de bonnes nouvelles et même si c'est trop tard on peut tout de même voir un léger sursaut. Mais on sait à qui on ne le doit pas. On ne le doit pas aux institutions en charge de ce Patrimoine.
Toutes ces institutions...et leur fameux Label Architecture Remarquable qui reste la preuve évidente d'un manque de courage à classer. Faudrait tout de même pas trop en faire.
Je reste donc un rien chafouin, dans le doute, dans l'attente d'un vrai sursaut qui devrait prendre en compte ce retard de vingt cinq ans. J'attends un mouvement national, un désir venant d'en haut, un ordre, un enthousiasme peut-être. Et qu'on arrête, putain, qu'on arrête de faire semblant comme je le crains par exemple à Royan où si le Front de Mer semble vouloir retrouver un peu de légèreté c'est par sa nouvelle transformation ratée car n'ayant strictement rien compris à l'écriture d'origine au profit d'un projet fait de mots attendus et d'une politique de la ville voulant démagogiquement servir une population qui attend un certain vocabulaire : végétalisation, cyclable, pseudo-attention à l'écriture des années cinquante...épouvantable petit cirque et vocabulaire d'une agence servant la soupe de la tranquillité retrouvée. Ils ratent tout les politiques même la chance de tout retrouver. Pourvu que cette équipe d'aménageurs ne s'occupe pas des galeries Botton !
Allez...Réjouissons-nous. Une nouvelle génération arrive. Elle va s'en doute s'occuper dès à présent de l'héritage des années 90 et 2000. Espérons que les institutions aient déjà commencé à faire un bilan, à travailler sur des classements ou un inventaire car le délais de vingt cinq ans est arrivé. Alors ? Chiche ? Ce siècle a vingt cinq ans. Qu'allons-nous protéger ? Sauver ? Avec quelle énergie ? 2025 sera en avance ou encore en retard ?
Oh...en retard non ?
Pour illustrer cet article plein de bonne foi et d'optimisme, j'ai choisi une carte postale que j'aime beaucoup. Parce que c'est, en quelque sorte, de là que vient ce que je suis, ma parole, mes doutes, mes rêves, une certaine idée de l'architecture. C'est vous dire qu'il m'aura fallu beaucoup travailler et ne rien regretter, ne rien bouder et surtout ne jamais, face à ce monde, en avoir honte.
Bonne année 2025.
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