samedi 19 août 2023

la ville à la campagne ça n'existe pas

On ne pourra pas dire que ce blog ait cherché à éviter les poncifs de la représentation de la ville nouvelle et de son accord avec la (maintenant) sacro-sainte Nature...
Ah...le rêve d'Alphonse Allais* de ville à la campagne ! Presque pris à la lettre il y a quarante ans par une génération d'urbanistes, de paysagistes et d'architectes qui, aujourd'hui doivent être contents de voir les jeunes barbes reprendre le flambeau à grands coups révolutionnaires de cours d'écoles dont on arrache l'asphalte ! La révolution, on la commence par où l'on peut et avec la paraphrase permanente d'un éco-terroriste auto-proclamé, Gilles Clément : du flou, du flou, du flou.

Mais voilà, il semble bien que ce sentiment de nature, cette pression de l'urbanisme sur la nature et la campagne furent bien représentés par des cartes postales désireuses de montrer ce contact entre deux mondes encore présents, luttant ou s'amourachant l'un l'autre.
Regardez :


Cette carte postale s'intitule le glaneur. L'éditeur c'est Image Chouette, le photographe c'est Mr D. Planquette, la ville c'est (je pense) Évry et les architectes, Andrault et Parat.
Que voit-on ? Et surtout : que veut nous montrer Mr Planquette ? L'image éternelle du glaneur venant sur le champ trouver sa pitance, image réunissant deux mythes, celui d'un Jean François Millet ou d'un Van Gogh et de l'implaccable pression au loin de la ville nouvelle ? Ou bien, au contraire, l'accord possible de cette architecture avec les mythologies sentimentales de la pauvreté et d'une certaine tradition des images de la campagne ?
Difficile à dire ? Peut-être que Mr Planquette ne fait que saisir, surpris lui-même par la situation, le collage entre ces deux mondes qui semblent se retrouver. Instant étrange, presque surréaliste.
L'image est belle au sens plastique du terme : accord parfait des couleurs chaudes, disposition des actions, le tracteur et le monsieur à béret (la France éternelle) se font écho, le flou des immeubles sous la poussière soulevée par le tracteur. Tout cela fonde un pittoresque.
On est proche de la tradition de la carte postale artistique de Monier pour les éditions Prestige. On pourra presque reprocher à la carte postale (elle en a l'habitude finalement) de mettre l'esthétique avant le fond, de faire image avant de faire sens ou, du moins de laisser ce sens flotter entre plusieurs possibilités. Le correspondant finalement écrira ce qu'il veut. On ne sait pas ce que sont devenus ces terrains, ces champs. On ne sait pas si cette silhouette d'homme à béret appartenait ou pas au monde de la ville nouvelle, on ne sait pas ce que l'agriculteur pouvait penser de ses nouveaux voisins et de son horizon ainsi construit. Rien.
Menace, occasion de vendre à bon prix des terrains ? Qui sait...

Par contraste et comme une autre revendication, voici une autre carte postale dont le photographe est encore D. Planquette :



La carte postale nous dit clairement cette fois que nous sommes à Évry, Ville Nouvelle, devant le Parc des Loges aux pieds des Pyramides. Pas de secret ici, pas de mystère. La ville sur l'horizon loin de nous menacer, est accomplie, complétée par son premier plan de pelouse ou prairie généreuse. Là encore, Mr Planquette saisit une mythologie : celle poétique des enfants jouant avec un cerf-volant, image apaisante, jouant des éléments naturels. La tranquillité des enfants pris dans leur occupation dit bien aussi la ville apaisée, heureuse d'offrir à la nouvelle génération cette espace-temps du développement de l'enfance...
Étrangement, la seule chose un peu menaçante c'est le ciel qui pourtant apporte aussi l'énergie du vent. Comme c'est beau...Comme cela devait coller parfaitement aux idées généreuses des urbanistes et architectes de ce moment, presque l'idéalisation de cette certitude politique du renouveau urbain : une communication parfaite.
Là encore, on ne peut certainement pas dire que Mr Planquette construit cette image idéale, on peut penser qu'il a saisi seulement son surgissement. Ici, on ne fait pas faire aux enfants la ronde aux pieds des immeubles modernes comme ici, rappelez-vous :
Mais on peut aussi se poser honnêtement la question de cet accord parfait entre le désir politique et son image parfaite. Mr Planquette l'a-t-il attendu ? Surpris ? Un peu fabriqué ?

J'attends sa réponse, ses précisions. Les enfants ont grandi, se rappellent-ils presque quarante ans après avoir appartenu à ce moment de l'Histoire de l'Urbanisme, d'en avoir avec leur naïveté en quelque sorte construit son image un rien idéalisée ? Ont-ils désiré partir ? Rester à Évry ?
Cette incertitude m'émeut. C'est celle de l'enfance remémorée.
Je ne sais rien de comment les éditions Image Chouette étaient distribuées. Je ne sais pas comment Mr Planquette avait travaillé à ces points de vues, ces désirs d'images pour un éditeur de cartes postales. On pourra me le reprocher. Je ne crois ni en des cartes promotionnelles ni en des cartes soutenues par la ville. Je pense au dernier soubresaut d'un art ayant cru que la carte postale pouvait encore témoigner d'un certain regard sur une aventure urbaine si particulière et souvent courageuse. Il ne faudrait pas l'oublier

Vous retrouverez beaucoup de cartes postales de Évry ici : 
etc...

*cette idée serait en faite formulée d'abord par Jean Louis Auguste Commerson.



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