samedi 10 août 2019

Le nouvel anti-brutalisme



Non, je n'ai pas caviardé cette carte postale.
Celle-ci nous montre l'un des plus poétiques lieux créés en France à la fin du siècle dernier.
Il s'agit de Onyx, salle de spectacles de Saint-Herblain.
Cette salle de spectacles est de l'Atelier Jean Nouvel. C'est une merveille, au sens médiéval du terme.
Une étrangeté, j'oserai même un refus.
Dans le verbiage outré d'une zone commerciale et de grandes surfaces dont les animations sont les marées montantes et descendantes des automobiles (merci Monsieur Parent pour l'analogie), il devait être inscrit un bâtiment qui refuserait toute explosion de signes, d'images, de couleurs. Il fallait un gouffre solide pour que ce qui s'y passe dedans soit plus fort que ce qui s'y passe à l'extérieur.
Le mystère et donc la curiosité naîtront de l'imperméabilité de cette chose, de son refus de dire quoi que ce soit de son architecture, refusant toute lecture, niant absolument en être.
On ne peut pas mieux contextualiser l'énergie du vivant.
Onyx de Jean Nouvel c'est l'indéniable preuve que l'architecture n'est pas seulement la lisibilité des plans, des volumes ou des programmes, elle est aussi parfois la dénégation de tout cela. C'est l'anti-brutalisme. C'est ne rien vouloir dire, ne rien vouloir entendre, ne rien vouloir voir.
Rien ne nous sera raconté, rien d'autre que notre projection personnelle, notre doute, notre peur presque. Un volume noir, sombre, vibrant des hachures serrées du métal contient les éléments nécessaires aux spectacles. Il y aurait la tentation d'y voir le premier monument GuyDebordien, laissant le spectacle au spectacle. Mais...
La force aussi de cette boîte mystérieuse c'est bien qu'elle s'oppose. Et elle s'oppose dans son refus presque d'une manière trop baroque, trop marquée, trop décidée. Comme l'enfant croisant les bras et criant un Na ! fier de sa bêtise. Parfois, pour éteindre le cri trop fort des autres, le plus beau silence c'est de crier plus fort. Onyx crie plus fort.
Onyx veut forcer l'histoire des monolithes architecturaux, veut en être.
Kabaa ou Kubrick.
Il veut irradier comme le font les centrales nucléaires, mystérieuses de leur contenu, interdites. C'est aussi, dans le contraste entre l'épiderme du bâtiment et l'efficacité de son intérieur, inventer une nouvelle sorte de passage, forcer l'étonnement de l'autorisation d'y être.
Pénétrer.
Avoir ce droit, trouver cette raison.
Pénétrer devient le désir ardent.
Le seul spectacle.

Onyx devrait maintenant, vu son âge et son importance être classé au titre des Monuments Historiques.

La carte postale de Onyx est une édition de la Ville de Saint-Herblain qui ne communique ni le nom de son architecte (!) ni le nom du photographe... bravo le service communication de la Ville !
La carte fut éditée en 1998.

La bande-son parfaite pour ce monument, ce petit chef-d'œuvre de Bagarre, le Gouffre :


La visite par Google Earth reste saisissante :










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