dimanche 2 juin 2019

Les épines de béton



Il y a une vraie indifférence à cette - pourtant spectaculaire - carte postale et à ce qu'elle représente.
Je veux dire que, même devant un tel choix, la correspondante ne fait nullement allusion à cette photographie ni à son architecture dans le texte qu'elle écrit au verso de cette carte postale des éditions Colombo.
Comment est-ce possible ?
D'abord il y a bien évidemment le lieu, Brasilia, qui pourrait à lui seul être l'occasion d'un étonnement, d'une surprise car, à cette époque, il n'était tout de même pas si fréquent de s'y rendre. Léa n'en dit rien, ni de comment ou pourquoi elle s'y trouve.
Puis, il y a l'architecture, la Cathédrale de Brasilia dessinée par Niemeyer devenue une sorte d'icône du renouveau de l'Architecture Sacrée du XXème siècle. Comment est-ce là aussi possible de rester muette devant un tel chef-d'œuvre ?
Enfin, il y a le moment même du cliché. Une vue aérienne du chantier montrant la Cathédrale en construction et laissant apparaître sa structure si belle et si symbolique : une couronne d'épines de béton.
Comment ne rien dire des fondations encore visibles ? Comment ne rien dire des bois de coffrage tous éparpillés ou rangés à gauche de la photographie ? Comment ne rien dire de l'ombre de l'avion visible sur le sol ? Comment ne pas aimer que les hommes, en bas, observent le passage de cet avion ? Comment ne pas commenter la croix blanche toute seule, plantée là, sans doute au début du chantier pour en signaler le caractère sacré ?
Comment ne pas s'interroger sur le petit groupe d'hommes en cercle qui visite le chantier ? Et partout, la terre retournée, fraîche, libre, poussiéreuse aussi.
Léa a donc choisi cette carte postale mais a cru bon de croire que cette image serait assez bavarde à son objet, que rien ne méritait un commentaire tant la montée au ciel d'une couronne d'épines de béton encore frais pouvait à elle seule dire toute la compassion nécessaire.
Peut-être que finalement ce n'est pas de l'indifférence mais la conscience totale que l'image (et donc la photographie) ici n'est pas un mensonge mais une parole ouverte, la réalité, voire même une vérité.









































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