jeudi 11 juillet 2013

Communiste idole

Il y a des cartes postales que je cherche en vain longtemps.
Il y a des cartes postales qui sont pour moi comme des trophées de chasse.
Il y a des architectures qui forment en elles-mêmes un absolu, une sorte d'idole parfaite que je suis prêt à prier, devant lesquelles je voudrais un genou à terre, dire mon admiration (oui...j e sais...)  :



Cette carte postale Aurora Art Publishers datée de 1985, j'avais vu chez mon ami artiste allemand Hansjörg Schneider un autre modèle posé sur ses tourniquets dans son atelier.
Je le jalousais !
La voici maintenant dans mes mains.
Cette construction par la grande radicalité de son principe, posant l'architecture comme un simple jeu de superposition de poutres à l'équerre ne pouvait être que soviétique, communiste.





Mais où sommes-nous ?
À Tbilisi, devant le Ministère des Autoroutes....
On notera que la carte postale dans sa fierté nationale nomme les deux architectes : Giorgi Chakhava et Zurab Jalagania.
Des demi-dieux...
L'autre grand moment de la découverte de cette merveille parfaite est le très beau livre de Frédéric Chaubin CCCP, cosmic communist constructions photographed que nous avions épluché ici. On remarquera que Frédéric Chaubin propose une autre orthographe pour les architectes et il est aussi plus complet : G. Tchakhava, Z. Djalaganiya, T. Tkhilava, V. Klinberg. Nous suivons l'auteur sur le rêve suprématiste de cette architecture, rêve bien tardif, comme une queue de comète passée depuis longtemps. Frédéric Chaubin nous précise aussi avec beaucoup d'humour qu'aucune autoroute n'a vu le jour dans ce pays... Qu'importe ! On ne peut pas tout réussir.
Mais la comète a dû passer dans les cerveaux de Richard Meier, Peter Eisenman, Gwathmey Siegel et Steven Holl qui, pour la reconstruction du World Trade Center osaient proposer cela :





En forçant notre sens de l'humour, on pourrait presque aimer ce projet. Après tout c'est sans doute là la dernière grande expression de la grille moderniste, le dernier vers du long poème de l'angle droit et l'arrivée dans l'imaginaire d'architectes des jeux vidéo, de Tétris. Il paraît que retrouver ses jouets d'enfance fait partie des joies de la vieillesse, pas de doute que les jeux de cubes ont été ici redescendus du placard... À moins que du haut dudit placard un catalogue de Superstudio ne leur soit tombé sur la tête.
Ce qui fonctionne dans le Ministère des Autoroutes c'est la spatialisation du référent, c'est aussi en quelque sorte l'indigence brute de sa construction. Dans le projet américain, l'image pleine d'un soleil de fin de film hollywoodien, de reflets de carrosserie de Lincoln Continental, de couleurs de Miami Vice, propulse le projet des architectes dans un kitch joyeux et irrespectueux qui pourtant n'est rien face au cynisme épouvantable d'un autre projet, celui de MVRDV pour Séoul. Comment peut-on ainsi jouer avec des référents aussi forts ? Comment peut-on le matin arriver à l'agence, prendre des images de l'attentat et dessiner dans un détachement serein ce genre d'objet ? Comment peut-on passer ainsi sur la morale du drame, le silence nécessaire de ce type d'image pour rêver à de beaux logements ? N'y-a-t-il pas des images avec lesquelles on doit ne rien faire, rien et surtout pas de l'architecture ?




1 commentaire:

  1. la forme du ministère des autoroutes symbolise les routes qui se croisent.
    Je suis rentré dans ce bâtiment, je n'ai vu que des gens qui travaillaient avec des vieux plans. aucun ordinateur, le temps s'était arrêté. On y travaillait comme dans les années 70. le bâtiment était moderne mais les routes sont restées moyenâgeuses!

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