Il faut, pour bien se faire comprendre, avoir de solides détestations.
Il faut savoir haïr avec grâce, délectation, il faut avoir une joie sereine à avoir, si ce n'est un ennemi, au moins un objet de dégoût.
L'autre chose aussi, pour donner de la puissance à ce sentiment et en faire une part intime de son identité, c'est de savoir avec le temps relativiser ce sentiment. Il parait qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.
Mes haters (anglicisme ici pratique) seront ravis de penser pendant quelques minutes que j'aurai pu changer d'avis sur Port Grimaud de Spoerry, son architecte :
Qu'ils se rassurent, je reste un imbécile et je continue de penser que c'est vraiment, d'un point de vue architecturale une véritable saloperie, une forfanterie, le pire retournement de l'Histoire de l'Architecture. Pourtant, le temps passant, on voit ce lieu acquérir avec la patine réelle du temps une sorte de noblesse dont les investisseurs de l'époque, les premiers clients, (je fais exprès de ne pas dire ici habitants) peuvent effectivement se targuer. Il y a peu, sur une chaine nationale, nous avons donc eu droit à un petit reportage sur l'histoire de cette machine théâtrale oubliant bien entendu de révéler la farce historiciste de ce palais de carton-pâte. Après tout, on peut bien aimer vivre dans un théâtre. On peut bien s'aveugler et jouer à la maison de poupée en lieu et place de vivre.
Comme disait le Pape François : Qui suis-je pour juger ?
Pourtant, une certaine nostalgie sur des images parfaites s'empare de moi. Elle est surtout liée à Brigitte Bardot voguant au milieu des canaux dans ce décor vide. Brigitte Bardot que j'adore, dont je suis fan. Et cette carte postale Mar est d'une qualité époustouflante ! N'auriez-vous pas aussi envie de faire un tour sur l'onde de cette Venise Varoise (sic!) avec Brigitte ?
Rappelez-vous :
Dans l'entre-soi d'une droite de petits propriétaires ravis de son investissement, nous pourrions nous aussi vivre l'illusion sans trop de remord, dans une persuasion festive, dans le carnaval des apparences après tout si représentatif de la bourgeoisie. Je glisse sur l'onde, un Spritz à la main, surprenant par les fenêtres largement ouvertes, la vie douce et peinarde de ce faux village. Je m'y vois comme dans la visite du village si célèbre de la série Le Prisonnier...Portmeirion...Port Grimaud.
Des prisonniers de leurs illusions, voilà comment on doit habiter Port Grimaud...
Mais que l'image est belle...Vraiment...J'y suis. Et oui, je l'avoue, je suis jaloux.
Ne croyez en rien de ce que vous voyez sur cette autre carte postale Combier. La seule vérité c'est bien que, comme elle l'indique au verso, François Spoerry en est bien l'architecte. J'aurais mis concepteur. Et si tout est si tranquille c'est que tout y est faux. C'est un parc d'attractions dans lequel on vient reposer sa tête des affres du monde, dans une tranquillité lénifiante, émolliente qui ramollit tout, même le désir de s'en échapper. Un sépulcre romantique à ciel ouvert, une sieste de mille ans, quelque chose de perdu entre une dépression flaccide et une lobotomie volontaire.
Port Grimaud est un masque.
Je ne cesserai d'en dire le Mal.
Vivement la montée des eaux.
pour voir ou revoir ce lieu (et mon avis inchangé) :
pour voir autre chose de Spoerry :
Lire bernard huet à ce sujet, adorer détester est bien naturel, les rejetons, par contre, sont à châtier ces malapris par contre (chatenay malabry, ok je sors)
RépondreSupprimerMerci David pour le lien vers Brigitte Bardot et cette si belle chanson que je ne connaissais pas . Et que dire de port Guillaume dans le calvados ?
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