dimanche 9 décembre 2018

Croâ Croâ Croâ Corbu

Je serai partial.
Je serai toujours de son côté.
Quand l'honneur est bafoué et qui plus est quand il l'est en public, il est difficile de croire et même d'envisager que l'on puisse faire de ce moment un travail, un ouvrage, de la beauté.
François Chaslin y arrive et de quelle manière !
Rococo ou drôles d'oiseaux (divertissement) est un ouvrage incroyable. L'auteur réussit à nous raconter cette histoire d'humiliation et de doute où la réception de son précédent ouvrage fut, à la fois, mal compris, mal lu (pas lu aussi), et généra sur sa personne, comme pour conclure l'affaire, une accusation de plagiat pour l'éloigner définitivement (croyait l'accusateur) du monde corbuséen. Si le cinquantième anniversaire de la mort de Corbu a vu sortir des ouvrages se croyant obligés d'appuyer sur quelques accointances (non excusables) de l'architecte avec certaines idées nauséabondes, les modes d'accusations de Le Corbusier n'avaient pas tous la même portée. Ce fut la première attaque contre François Chaslin que de le mettre dans ce même panier des yeux courts. Devant la déferlante vague médiatique accusatrice, devant le flot lâché, François Chaslin ne put pas faire grand chose car il est difficile de lutter contre l'emportement de la raison, aujourd'hui, quand les pensées mais surtout les analyses disparaissent au profit des opinions. Première leçon.
Deuxième leçon, celle du petit monde corbuséen, faisant cage d'écho, ne sachant pas comment lutter contre cette déferlante et ne trouvant par le biais d'un malfaisant oiseau qu'une branche pourrie pour croasser contre l'auteur ayant eu le malheur, non pas de réduire Le Corbusier à des faits avérés mais d'avoir voulu mettre cette réalité au milieu d'autres. François Chaslin, tentant lui de ne pas réduire Corbu en un bloc simpliste mais bien de dessiner une personnalité dans un temps, un mouvement, un moment, et bien évidemment une histoire. L'impossible réduction fut le malheur de François Chaslin.
Alors, il aurait pu, l'accusé, se battre de bien des manières et l'incroyable qualité de cet ouvrage est la plus belle réponse qu'il pouvait faire. Mais comment diable, Monsieur, en avez-vous eu l'énergie ?
S'amusant avec intelligence, précision et culture de son goût pour l'ornithologie, jouant aussi avec la genèse du nom même de Le Corbusier, voilà notre critique d'architecture qui fait un ouvrage réussissant à vous raconter son drame (qui en est un, vraiment), contextualisant les réalités historiques mais aussi l'emballement médiatique. On reste surpris par son ton d'un calme inouï, comme si la colère légitime avait su muer en une forme presque joviale, tranquille, digne, celle d'un Jedi.
Un Jedi.
Savoir ainsi reconquérir son honneur, point par point, cui-cui par cui-cui, sans gazouiller inutilement, tel un rapace, qui se jette sur les corps des ennemis, voilà qui est bien fort. Ajoutez que Monsieur Chaslin nous donne en plus un ensemble de dessins, beaux, miraculeusement clairs et limpides, analysant avec bonheur la rondeur d'un bec, la légèreté d'un plumage, ou la ligne d'une terrasse de Le Corbusier. Même plume, même verve, même plume.
Puis imprimer et éditer l'ensemble dans un ouvrage d'une qualité éditoriale sans faille dont la composition graphique, le choix des papiers, des typos, de la mise en page sont ébouriffants !
Bravo Élodie Boyer et Patrick Doan !
Même l'Achever d'Imprimer est drôle, surtout, bien entendu, le rappel sur le droit de la propriété intellectuelle qui prend un sens, ici, bien particulier.
C'est avec plaisir que l'on vous verse, Monsieur Chaslin, 2,65 euros de Droits d'Auteur.

Ce livre a une dernière qualité. Comme pour ceux de chez Corti, le lecteur, pour voir les dessins, doit couper les cahiers.
Même si un coupe-papier nous est proposé dans l'ouvrage, pour ma part, j'ai utilisé le canif que mon père avait à l'Usine Renault pour son casse-croûte.

C'est peut-être un détail pour vous
Mais pour moi ça veut dire beaucoup.

Et, incroyable coïncidence, lorsque la lame fend alors le papier prédécoupé, celui-ci émet, je vous l'assure, un petit croassement que l'on dirait venir d'un corbeau enroué.

Merci  Monsieur Chaslin.
Il vous faudra, maintenant que tout est couché et imprimé, penser à l'exposer. Les dessins, ça se regarde aussi sur le ciel des murs.
Et j'attends ma carte de membre...

Bien à vous.

Rococo ou drôles d'oiseaux (divertissement)
François Chaslin
éditions Non Standard
28 euros, achetez votre exemplaire chez un libraire indépendant.



















































3 commentaires:

  1. Merci pour la découverte David, ça donne envie de plonger le bec dedans !

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  2. Quelle merveille ce livre, que d'érudition, quelle politesses vis à vis de tous ces corbeaux croassant à qui mieux mieux, quelle élégance que déploie F. Chaslin que je n'ai pas osé déranger ce soir du mercredi 9 novembre 2016 dans ce café place du Trocadéro ou quelques minutes plus tard il co-animé cette conférence avec David à propos de stations balnéaires et de cartes postales et où je fus cité parDavid...encore merci.

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