Et si, comme tout le monde, on avait envie d'enfoncer les portes ouvertes ?
Et si, comme tout le monde, on faisait semblant d'inventer un inventaire, de fabriquer un genre, de construire un fonds ?
On sait aujourd'hui que le débat sur la bonne santé du pavillonnaire n'en finit pas de passer par des phases de rejets et des phases de retour en grâce sans que le modèle et son image ne soient finalement analysés. L'architecture sans architecte des pavillons est-elle le nouveau vernaculaire si chers aux lecteurs trop superficiels de l'oeuvre de Walker Evans ? Faudra-t-il un centre d'art pour faire semblant de donner de la noblesse dans un second degrés depuis cet art de la représentation d'un certain bonheur architectural ?
Qui pour nous faire croire qu'il aurait inventé là quelque chose, avant tout le monde, fabriquant une oeuvre sautant du dégoût admis à l'exaltation de cette défaite de la culture architecturale par l'Art Contemporain ?
Moi ?
Allez...je suis assez tenté.
Finalement, on peut piller, classer, ranger et chanter partout que ce regard en coin, de biais, amusé serait sérieux puisqu'il aurait reçu l'aval (et l'amont de l'Histoire ?) de critiques qui ne fréquentent pas finalement ce genre et, surtout...ces lieux....Sauf Claude Lévêque peut-être. Oui, je veux rester attentif et même attendri à son étrange parcours.
Pour le BeurCore c'est fait et c'est fait depuis longtemps maintenant. Remercions ceux qui mettent un nom sur une pratique de requalification culturelle : Sara Sadik.
Ne reste que le paysage des gilets jaunes qui ne soit pas encore récupéré par les Fashion Addicts, les marques de luxe, les revues de décoration intérieur comme AD qui propose de réfléchir sur l'angle droit en s'appuyant sur les quelques villas et maisons bulles : on rigole. On attend avec impatience un article de AD sur Gifi ou But et le design populaire.
Alors, ils viendront les artistes contemporains pour remanier à leur sauce ce monde de l'étalement pavillonnaire. Ils viendront à contre-courant pour croire inventer un regard, un mouvement, un territoire. On pisse au quatre coins de ce que l'on peut ( les Pays, les non-lieux, les hétérotopies etc) et, finalement, les lotissements de pavillons pourraient bien servir à ça. Et faire semblant d'aimer ce que tout le monde déteste ça donne de l'épaisseur intellectuelle, le fameux pas de coté de l'artiste en manque d'originalité.
Je sais de quoi je parle. (vous avez raison, c'est de bonne guerre)
La laideur architecturale peut-elle être finalement à l'origine d'un mouvement politique et esthétique qu'il faudra écrire ? Comment justement cette laideur a-t-elle pu séduire et se construire une image de lieu habitable ? Qui a définit cette esthétique du bonheur et pourquoi tout une classe sociale s'y est reconnue ?
C'est quoi cette maison ?
Peut-être que pour comprendre comment cette dérive esthétique a pu exister, il faut se retourner sur les documents graphiques et promotionnels des fabricants, des promoteurs, des constructeurs ? Comment ont-ils représenté cette vie et ce type architectural et sur quel signe ? Et que disaient-ils aux futurs acheteurs de ce monde de propriétaires fait d'un morceau de terrain recouvert en partie par une architecture a minima, une sorte d'image préfabriquée du bonheur ?
Sur les trois exemples que je vais vous monter, ce qui saute au yeux c'est que le mot architecture n'est jamais employé, pas plus que le mot architecte. N'apparaissent que constructeur et maison. On note aussi que les maisons sont toujours représentées seules, sans le contexte et le prospect, comme si la maison, le pavillon n'étaient pas insérés dans un lotissement, qu'ils étaient perdus dans la nature dont on ne sait pas bien ce qui la constitue d'ailleurs. On note les efforts du photographe pour éviter ce voisinage. La forme globale est toujours la même, un habitat plat surmonté d'un toit en double pente que seule la variation des détails pseudo-régionaux viendra compléter. La couleur des façades et l'apparition minimale du bois (volets, poutres...) finissent de donner à ces constructions un semblant de caractère régional. Rien d'autre. On note que les constructeurs ne communiquent pas sur les plans intérieurs, sur le déploiement des espaces, sur l'originalité d'un lieu de vie. Non, l'argument essentiel est celui d'une certaine tranquillité reconnue comme accessible financièrement. Le coût reste l'argument essentiel. On parlera d'accessibilité.
Il reste difficile de dire qui a commencé, je veux dire est-ce que les constructeurs donnent aux futurs acheteurs l'image exacte de l'attendu d'un futur propriétaire ou bien est-ce que les acheteurs se trouvent finalement devant un marché du pavillon ne lui donnant comme modèle que celui-ci ?
Dans ma collection, ce genre de cartes promotielles est assez fréquent et il fut même une période ou je l'ai boudé...
On observe l'usage fréquent de la photographie comme mode de représentation des pavillons mais qui est souvent accompagné de peintures et de dessin. Pour l'instant je n'ai trouvé aucune carte montrant des maquettes et on peut s'en étonner car la maquette fut bel et bien un objet de représentation en cartes postales et je me souviens de certaines maquettes de pavillons sous des globes de plexiglass chez des promoteurs. Sans doute que le constructeur préfère communiquer sur du réel, sur de vraies constructions ce qui appuiera sa réputation et prouvera la confiance qu'il a déjà reçu de la part de nouveaux propriétaires. C'est du solide en quelque sorte. On ne sait absolument rien des artistes et des peintres ayant travaillé pour ces constructeurs. Souvent, les représentations ne sont même pas signées. Comment les constructeurs recrutaient donc leurs dessinateurs ? Je ne sais...
Le ciel est bleu, les arbres sont verts, les familles sont dehors et les enfants jouent. Le bonheur donc. Rappelez-vous ici :
Je note qu'au verso de la carte des Maisons GTM et Compagnie, le constructeur ne s'adresse qu'à l'homme du foyer puisqu'il est demandé de cocher une case pour savoir si "Madame" travaille !
Autre remarque sur ce mode de publicité choisi et l'utilisation des codes de la carte postale : on notera que très très peu de promoteurs d'appartements ont utilisé ce mode de représentation et de diffusion commerciale, en tout cas c'est très faible par rapport à la construction des pavillons. Il y aurait comme un certain accord entre ce mode d'habitat et la carte postale, comme une culture commune de la représentation de la vie à la campagne, une sorte d'idéalisation de l'habitat individuel, se référant sans doute à la maison de campagne, la fermette, le petit cottage tranquille, voir le manoir, une représentation rassurante, loin des axes routiers et de la concentration urbaine, croit-il.
C'est en ce sens que je considère qu'il y a bien là l'invention d'un genre et que je me dois ici de le diffuser et de le révéler. Chaque constructeur ayant essayé de coller à son terrain régionaliste, à son Pays, à son monde, on pourra facilement fabriquer un inventaire et même, localisation par l'image oblige, on pourra inventé un A.R.N : un Atlas Régional Nécessaire.
Nécessaire ? Oui, car il est temps de sauver cette imagerie populaire de l'architecture, cette vision de l'habitat et de l'urbanisme. Il faut montrer comment ce rêve fut et est encore diffusé largement. Et, vous verrez que, comme d'habitude, c'est par ce second degrés permanent qui agite notre époque actuelle que l'on pourra peut-être vraiment étudier notre monde. Ce monde n'est pas underground, il n'est pas invisible, il ne mérite aucun sourire en coin, amusement, petite satisfaction auto-centrée post-anthropologique ou sociologique pour Art Contemporain en panne de sujet, ce monde c'est celui que j'habite, le mien, le vôtre peut-être. Et on emmerde les visiteurs du jour, capteurs d'images, cette petite aristocratie culturelle et bourgeoise qui s'encanaille à la campagne, qui vient nous voir en safari, le fameux zoo de la France tranquille et qui produit un arpentage condescendant de la diagonale du vide pourtant... si peu vide.
Alors ? On y va ?
On les fait chier à notre tour ?
pour voir ou revoir des articles sur cette questions :
Merci Davis pour cet article .. grâce auquel , je me rappelle qu'enfant ma mère et moi étions allées rendre visite à une dame âgée " qui avait vécu la guerre" et qui vivait depuis dans un baraquement gris avec un toit en tôle ondulé. Quelques années plus tard , sur le même terrain mes parents "faisaient construire le pavillon " je lui trouvais fier allure en comparaison au baraquement détruit depuis . Cette génération née en 1939 avait connu " se laver dans la cuisine "ou bien la cabane au fond du jardin avec les feuilles découpées dans le journal . Oui une image du bonheur ... enfin. sandrine de nogent .
RépondreSupprimerJ'adore cette photo montrant Karl Lagerfeld habillé avec un gilet jaune bien avant les événements . "C'est jaune, c'est moche, ça ne va avec rien, mais ça peut vous sauver la vie". et il sert au moins à être vu quelque part en périphérie ... dans la macula des " élites "
RépondreSupprimerEt le pavillon chez Chabrol ? un p'tit article ?
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=1SkA-iB0CLk
RépondreSupprimerbaraquement / pavillon / maison individuelle / lotissement / blotissement aussi , je trouve .
A noter qu'en 1982; la société PHENIX édita un album photos , '' Les honneurs de la maison'' ' concepteur Pandora en 102 pages, format 28.5 x 28 cm, avec une introduction de François Nourissier de l'Académie Goncourt et une conclusion de Lucien Clergue...J'ai l'exemplaire 213 sous les 2000 réservés à PHENIX reçu en Juin 1983 lors d'un reportage pour ma radio locale (Moulins, RNA)...
RépondreSupprimerMerci Sandrine pour le lien vidéo ! Tu passes quand à l'école ?
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