jeudi 16 janvier 2025

Architecture de collection dans Art Press

 


Voilà qui est bien intéressant comme signe d'un certain retournement, voire d'un certain espoir. 
Dans le dernier numéro de la revue culte Art Press, on trouve un article sur les agents immobiliers du groupe Architecture de Collection écrit par mon collègue d'Angers Christophe Le Gac.
C'est comme un croisement assez curieux de genres.
D'abord, il y a cette agence immobilière, spécialisée dans l'architecture d'Architectes, ne voulant vendre que des biens ayant une signature reconnue ou du moins nécessitant une mise en lumière de ses qualités architecturales surtout produites dans la seconde moitié du Vingtième Siècle. J'avais, il y a longtemps maintenant, été contacté par l'un des membres de cette agence sans bien comprendre ce que je pouvais ou devais faire pour lui. Il y est vrai que ce blog correspond en tout point à ce désir de mise en lumière d'une certaine architecture encore il y a peu boudée et peu mise en valeur. On sait comment aujourd'hui le monde médiatique aime nous faire suivre la saga familiale d'une agence immobilière L'Agence ou comment Affaire Conclue tous les après-midi nous apporte sur un plateau télé les joies du Design scandinave, les céramiques de Capron dans une délectation venant surtout de la surenchère organisée apportant aux spectateurs l'espérance d'une trouvaille dans leur maison ou à la déchèterie. Ce mouvement du vintage devient donc aujourd'hui valable allant de l'architecture à l'objet et le collage des deux mots architecture et collection voudrait bien comme nous le suggère dans son article Christophe Le Gac nous montrer que, finalement, pour une certaine élite bourgeoise, la question de la signature du lieu que l'on achète est au moins aussi importante maintenant que le risque de ne pas avoir le taux de crédit adéquat ou  que cette architecture ne soit pas exactement là où on a besoin de vivre. Il y a dans la collection la chance de s'occuper non plus du besoin d'être loger mais  la nécessité que ce logement soit le signe d'une certaine compétence de reconnaissance, d'une certaine image de la culture, bref d'appartenir au club des sachants de ce qui se collectionne ou pas. Vous l'aurez compris, Architecture de Collection ne s'occupe évidemment pas de la question du logement social, ni de ceux qui y habitent mais propose dans une forme de pornographie de la visite l'espoir et le rêve de découvrir des espaces privilégiés comme on dit avec pudeur...Oh...une villa de Claude Parent...C'est donc comme ça qu'on y habite sous les ciels surblanchis de Laurent Konental.
Car la signature n'est pas tant là pour qualifier les qualités architecturales de l'architecte que pour valoriser son achat et en expliquer le prix. 
Ce qui m'étonne c'est pourquoi donc en faire la promotion (ou l'analyse du phénomène) dans une revue comme Art Press ? Qui cela sert-il ? Art Press qui y trouverait là le signe contemporain d'un regard sur l'architecture vue alors comme des oeuvres dont il faut sauver l'honneur ou bien l'agence elle-même, soudainement mise en valeur sur des pleines pages d'une revue iconique d'une certaine école de pensée ?
 
Art Press deviendrait-elle une influence ?

Après tout, vous le savez, même la mauvaise publicité vaut mieux que pas de publicité du tout.
Il y aurait là comme un adossement mutuel de pensées, une reconnaissance de classe culturelle. J'avoue que je reste perplexe même si il est vrai que depuis peu Art Press semble moins raide, raideur que, au temps jadis de sa création, nous aurions nommée rigueur. Ici, ce n'est pas le contenu de l'article qui m'étonne mais bien le surgissement de ce monde dans cet autre monde.

Alors, il est difficile de parler d'un phénomène culturel dans la chaleur de son surgissement. Difficile de dire si Architecture de Collection fera date, sera l'expression de notre époque, d'une mode ou d'une chose plus profonde. On sent bien là que la bonne volonté, le désir de mettre en lumière une certaine partie du Patrimoine ne peut pas vraiment être regrettable, que cela, sans doute, permet de valoriser une certaine frange de ce marché. Le risque c'est comme beaucoup d'autres choses...c'est que cette transmutation d'un bien immobilier en oeuvre n'ouvre la porte à des errements de type gentrification qui permettent à des cabanes de sinistrés de Jean Prouvé de devenir a place to be, que les appartements de Jean Renaudie ou de Renée Gailhoustet ne soient vu que comme des exceptions baroques qui méritent des habitants éclairés, que le combat architectural, au delà des pépites, ne se perde finalement dans un tout-venant historique.
Qui pour valoriser les appartements du Mirail à Toulouse ? Qui pour aller les voir, les défendre, soutenir leur habitabilité à l'heure de leur destruction en cours ? Architecture de Collection ira-t-elle promouvoir leur achat ? Art Press fera-t-elle un article de deux pages pour expliquer son indignation à leur destruction et la nécessité rapidement de les défendre ? Car si l'architecture se collectionne alors pourquoi ne pas avoir dans sa collection toutes les exceptions ? Tous les monstres Pokemon qui donnent de la valeur à un tiroir plein du tout-venant ?
Allez  ! Collectionnez aussi le logement social, le Hard French, le carrelage des Tours Aillaud, les Fillod, les barres de Labourdette. Cela nous permettra peut-être, à nous, par cet angle, de sauver ce qui compte vraiment : une certaine idée du Patrimoine.
Y-a-quelqu'un ?

L'article est paru dans le numéro 528, janvier 2025.
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samedi 11 janvier 2025

Ne pas être fidèle à Castro

 J'ai mis beaucoup de temps à faire cet article qui aurait dû, en toute logique, être écrit en juin, dès mon retour d'Angoulême où j'étais invité par Frédéric Lefever, excellent photographe, à participer à un diplôme dans l'école d'Art de la ville.
Mais voilà, en rentrant chez moi, je me suis rué sur mes classeurs et dans mes boîtes et je n'ai pas réussi à retrouver la carte postale que je possède du lieu dont je voulais vous parler.
Rien à faire...disparue...je connais ce phénomène qui me la fera ré-apparaître dès que j'aurai écrit cet article comme pour se moquer de moi.
Il m'a donc fallu attendre de croiser une nouvelle carte postale pour vous raconter ma rencontre avec...mais avec quoi au fait ?
Oui ! Angoulême c'est forcément ça : le Centre National de la Bande Dessinée et de l'Image.




Les lecteurs fidèles savent bien que je n'ai pas un grand enthousiasme pour son architecte Roland Castro dont je l'avoue l'espèce de figure mitterandienne a fait beaucoup pour ruiner mon objectivité à son égard. Que voulez-vous les représentations parfois occultent la réalité des qualités architecturales. 

Et pour ce bâtiment de Roland Castro datant de 1990, je dois le dire tout net ce qui m'a surtout séduit c'est sa ruine.
Il y a en effet quelque chose de parfaitement réjouissant dans son état suspendu, entre profond manque d'entretien, de ravalement, pauvreté des matériaux et l'expression formelle d'un geste un peu tonitruant, un peu volontaire, certainement se voulant à la fois radical et poétique mais déjà un peu en retard en 1990. Il faut le dire ici l'écriture de Castro se joue surtout sur le rapport des pentes, voulant articuler un passage et donc une promenade entre une rue haute et une rue basse. Une circulation piétonne faite de surprises, de jeux d'espaces, de terrasses et de reflets, ensemble très déconstructiviste, au sens d'une référence presque un peu trop appuyée, justement à un Constructivisme remodelé, rejoué. Y a des échelles, des passerelles, des choses fragiles, des formes anguleuses qui se perdent, il y a de la gratuité, bref on dira une certaine idée sculpturale et surtout, surtout photogénique que, je le redis, l'état d'abandon définit aujourd'hui comme une somptueuse ruine post-moderniste. On veut, ici,  de tout faire photographie.

Bien entendu, l'incertitude des espaces qui surgira ainsi de cette promenade dans des lieux que l'on peut ou non traverser ajoute au sentiment de pur mouvement gratuit. On se laisse prendre, on grimpe, on regarde, on cadre. C'est réjouissant et bien dessiné dans ce sens. Un bâtiment qui fait image(s) c'est parfait pour raconter la bande dessinée qui d'ailleurs à l'époque de la construction du bâtiment était surtout marquée par le retour de la ligne claire comme si Castro avait voulu dire qu'ici un décor pour Joost Swarte avait été construit dans le réel. On aurait dit autrefois : une folie.

Alors, dois-je aimer bien plus mon étonnement de cette présence que le bâtiment lui-même ? Est-ce que Roland Castro avait prévu cet état piranésien (entre prisons et ruines) d'un bâtiment entre deux âges ?
Combien de décénies faudra-t-il pour qu'il rejoigne un état d'oeuvre patrimonialisable en abandonnant dans un sursaut de l'Histoire de l'Architecture sa propre déconstruction ? Ne vivons-nous pas, en ce moment-même son état de grâce ? Qui oserait chanter la lèpre des murs, les coulures, les oxydations, les mousses sur les crépis d'un bâtiment devenu presque aujourd'hui une friche urbaine somptueuse ? Je veux bien être celui-là.
N'est-ce point là sa chance romantique, son espoir de finir comme une peinture de Hubert Robert ?
Alors je suis à deux doigts d'aimer cette construction, de vouloir la défendre. Plus riche que je ne la croyais, plus raide, plus juste finalement que la geste ampoulée de ses références, plus surprenante que sa façade par trop grandiloquente (ah...le fameux mur de miroirs intégrateur des architectes contextuels...) je pourrai oui finir par le défendre. On hésite entre un hommage à Émile Aillaud pour La Défense ou un hommage à un four solaire. Après tout, j'ai bien installé chez moi l'affiche de Speedy Graphito de la Ruée vers l'Art de 1986, je pourrais bien finalement ici aussi à Angoulême finir par vouloir rendre hommage à la mitterrandie charentaise et à ses actions culturelles (comment dire ?) à son arrogance devenue vintage. 

Finalement, ce basculement est à l'image de notre époque. Il nous fait passer d'une culture de gauche à une culture woke. C'est sans doute cela qui en renforce mon étonnement, ma joie et ma méfiance encore un peu inscrite dans et sur les murs de ce Centre National de la Bande Dessinée et de l'Image dessiné par l'un des fidèles à Mitterrand : Roland Castro.

En tout cas, il est grand temps de protéger ce bâtiment, de le classer car il est une synthèse incroyable des réflexions de son auteur et de son époque. Nous nous devons de ré-apprendre à l'aimer. 

On notera et c'est rare que Jean-Pierre Delvalle le photographe de cette carte postale éditée directement par le C.N.B.D.I a fait le choix d'un ciel chargé, menaçant qui renonce à l'aplat d'un ciel parfait si attendu des cartes postales. Geste prémonitoire ? Ce ciel chargé doit-il nous rendre méfiant sur l'avenir qui pèse sur ce bâtiment ? La carte postale n'est pas datée mais elle a dû être produite à l'ouverture. On notera que le tampon du C.N.B.D.I occupe tout l'espace de la correspondance et que la carte ne fut pas utilisée. Je ne sais pas non plus comment Roland Castro a ou non aimé cette représentation en carte postale. On notera qu'il figure bien au verso comme architecte.

En fin d'article, un bâtiment superbe et moderniste, toujours à Angoulême... 
Si, par hasard, vous en connaissiez l'architecte, merci de me le donner ! Il le mérite non ? Il est superbe.



































mardi 7 janvier 2025

Group Ludic à l'état pur

 


Pour commencer cette année et pour bien la commencer, je ne commencerais pas obligatoirement par une carte postale mais par un document familial provenant de chez les Lestrade. Vous connaissez sans doute à la fois cette histoire et ce lieu si vous êtes un ou une fidèle de ce blog. Il n'y aura donc pas grand chose à ajouter.

Nous sommes au Pins de Cordouan dans un Village-Vacances et la photographie nous montre des enfants posant devant l'entrée du sous-marin, aire de jeux en partie souterraine créée par la Group Ludic que nous aimons et défendons sur ce blog depuis ...si longtemps !

La photographie m'a été envoyée par Walid Riplet (dont vous lisez parfois ici des articles) et cette photographie vient du Fonds familial des Lestrade. Personne n'a pu identifier les enfants, ils ne sont pas de la famille, des amis donc de circonstance, trouvés sur les lieux. La photographie est datée de 1970. 

Ce qui est certain c'est que cette photographie montre bien que cette aire de jeux si étonnante était bien perçue comme originale et donc méritait qu'on fasse poser les enfants devant. On devine bien derrière l'échelle qui permettait de descendre sous terre !

La composition de l'image est superbe. Les enfants ne cachent pas le jeu. La joie de vivre à l'état pur.

êtes-vous-vous sur cette photographie ? Moi, je pourrais y être...qui sait ?

Rien à ajouter. Ah...si...Merci Walid.

Belle année à tous.
David Liaudet

pour revoir le Group Ludic et les Pins de Cordouan :





jeudi 2 janvier 2025

Une certaine perfection

 Pour bien commencer cette année, j'ai eu du mal à trouver quoi vous montrer, surtout à vous, les plus fidèles de mes blogs.
Il y a certes encore bien des surprises à venir, des inédites encore cachées dans des boites à chaussures que je trouverai au petit matin d'un vide-grenier mais j'avais envie d'un archétype, d'un ensemble radieux, de la preuve d'une certaine beauté au moins d'une certaine beauté de l'image. 
Commençons l'année 2025 par des ciels presque trop bleus, du hard-french tout neuf, une spatialité bien engagée et surtout un sens du cadre que l'on doit au photographe bien plus, sans doute, qu'aux architectes parfois étonnés eux-mêmes que leur construction puisse ainsi agir en image.

J'ai ouvert mes classeurs, les feuilletant page à page, puis j'ai trouvé et choisi ces deux cartes postales que je pensais avoir déjà publiées tant elles me confortent dans mon idée d'un certain monde au bord de la perfection. Et non, je n'habite pas là.



La première est un chef-d'oeuvre et je pèse mes mots. Nous sommes à La Charité-sur-Loire devant ce que l'éditeur "les éditions nivernaises" ne nomme que comme les H.L.M. Au vu des automobiles, nous sommes vers la fin des années soixante, début des années soixante-dix alors que la carte fut expédiée en 2002. Quelle lenteur dans la reconnaissance...
Le photographe n'est malheureusement pas nommé mais la mise en scène de cette image est parfaite, idéale, révélant pour moi de l'archétype presque trop exact à mes attentes de collectionneur. Trois beaux blocs se succèdent dans une régularité faisant du prospect un rythme serein, tranquille mais déterminé. Espace, espace, espace, construction, construction, construction.
On note comment par un léger biais, le photographe permet aux trois blocs de faire une seule image, élargissant ainsi la probabilité de trouver chez le client le lieu de sa vie. Un sol très présent place le photographe debout, au milieu de la chaussée, utilisant les couleurs de voitures pour ponctuer un peu le lieu d'une certaine gaité. Bleu 4CV, Blanc Renault 8, Rouge Fiat. On note que le rouge de la voiture triangule parfaitement avec le rouge de la bouche à incendie qui fait un couple amusant avec le lampadaire bien frêle, lui, parfaitement au milieu du cadre. Les enfants s'éloignent, le soleil tape, les ombres sont dures. 
Est-ce que comme moi vous entendez le silence ? Le calme, presque une torpeur ?
Aimez-vous comme moi les blocs dont les plaques de béton préfabriquées sont si lisibles par leur jointure ? Et l'alternance simple mais efficace des couleurs donne à l'ensemble une netteté presque hygiénique. Certes les poètes à deux balles regretteront le manque de fantaisie, la raideur n'étant pas tout le monde un gage justement de projection. Moi, ça me réjouit cette honnêteté constructive, sa lisibilité.
Et, soudain, sous la loupe de mon compte-fil monte un détail que je n'aurais pas vu sans lui : deux enfants à la fenêtre nous regardent, en tout cas, regardent le photographe faire son cliché. Eux aussi sont en rouge.
Cette image m'englobe, me prend totalement, me projette comme on dit. Cette force des images n'est ni un leurre à dénoncer, ni une auto-persuasion d'un bonheur lointain et utopique. Il s'agit d'un voyage fait surtout d'indices pour moi tout aussi puissants que d'aller voir le réel qui, souvent, n'apporte que la déception. Et pourquoi donc devrais-je au nom d'une certaine vérité devoir subir cette déception ? Pourquoi vouloir s'y engager ? À jamais le soleil sera à ce moment-là, à jamais les enfants regarderont par cette fenêtre, à jamais je verrai les enfants s'éloigner, à jamais je verrai ces trois blocs dire et raconter une certaine idée du logement social, idée sans doute aujourd'hui décriée au nom de son pragmatisme. Pragmatisme que notre époque devrait justement à nouveau espérer.
Je vous laisse à cette délectation.
Malheureusement, l'isolation par l'extérieur a ruiné l'écriture... Combien de temps encore allons-nous supporter ça ?





L'autre carte postale, j'aurais pu aller en constater la réalité d'aujourd'hui puisqu'elle nous montre la Tour, rue Docteur Gallouen à Saint-Étienne-du-Rouvray près de chez moi. Mais à quoi bon ? Pourquoi ne pas simplement se réjouir que j'y suis déjà, là, devant cette carte postale des éditions Estel expédiée en 1987. La carte fut envoyée pour un jeu et la réponse donnée par Sylvie à Télé-Loisirs était : "En persévérant on peut arriver à tout". Petite sentence libérale, pleine d'espoir, de rêve du mérite bien tempéré. Je n'y crois pas tellement à ce genre de petites phrases. Pourtant, la morale devrait me toucher. Je n'ai pourtant pas, après sept ans de travail et de persévérance, réussi à faire classer le centre commercial de Mr Claude Parent à Ris-Orangis...

Revenons à notre image.
Une tour donc, mais une tour un peu massive, pas très élancée qui distribue une belle façade régulière largement percée dont les balcons fabriquent la rupture de la grille. C'est très bien dessiné, c'est pur, rigoureux, solide et affermi par les verticales. L'espace sous la tour lui donne aussi son élan, une légèreté dans une tentative de répondre à certaines théories modernes. Tout est bien redressé photographiquement et le dessin ne s'échappe pas trop vers son point de fuite : presque une perspective cavalière.
Le jeu des stores donne une ponctuation simple mais belle répondant au bleu du ciel. Comme elle semble isolée cette tour ! Mais pourquoi donc la viser ainsi, pourquoi donc venir là ? Un peu de branches sur la gauche nous laissera l'idée qu'elle surgit soudainement du cadre. Personne cette fois. Personne.
On entendrait une mouche voler.
Je scrute sans succès chacune des fenêtres pour y trouver une surprise, un regard, une présence. En vain.
Je me sens bien, tranquille, au travail. 
Comment l'Histoire regardera ce genre de vue dans deux siècles ? Comment ils regarderont ma petite tentative d'en dire du bien, de vouloir garder un peu cette réalité redevenue depuis un imaginaire ? Comprendront-ils ma jubilation ? Riront-ils de ma naïveté ou de mon pas de côté ? Y aura-t-il alors un regret ?
M'entendez-vous ?
Y a quelqu'un ?
Eh ? 

On notera que pour ces deux cartes postales de logements sociaux ne manquant pas de qualité, aucun architecte n'est nommé. C'est dommage et injuste. Ils n'avaient pas démérité.
Bonne année 2025 pleine de combats patrimoniaux et de sauvetage du logement social et de sa culture architecturale et paysagère.
David Liaudet



mardi 24 décembre 2024

25 ans de retard c'est de l'avance ?

 



En cette fin d'année, je me demande ce que signifie le ralentissement de ce blog. Certes, je trouve encore des bâtiments à vous montrer, certes, l'analyse des images et du médium que sont les cartes postales me réserve encore un peu de choses à vous dire mais il faut bien l'avouer, parfois, j'ai l'impression d'avoir fait le tour de la question.

D'ailleurs d'autres s'en emparent et des jeunes m'interviewent pour faire qui un mémoire qui une thèse qui un article. L'avenir est d'ailleurs dans leurs mains et il semble qu'une nouvelle génération regarde l'Architecture du Vingtième avec une bienveillance nouvelle, dans l'air du temps, entre surprise un peu fantasmée des Trente Glorieuses et prise de conscience de la disparition. Mais c'est trop tard. Et le sursaut des DRAC et des A.B.F sur les constructions du XXème sont bien trop tardives. Ils ont simplement, maintenant, vingt cinq ans de retard. Vingt cinq ans.
Et le Patri-washing bat son plein. On biberonne les jeunes architectes et artistes aux sciences humaines (philosophie, anthropologie, sociologie (et pas toujours la meilleure)) pour en faire des agents éclairés des "réhabilitations" qui sont souvent des dégradations déguisées en attention. L'enfer est toujours et encore pavé de bonnes intentions. Et surtout, c'est devenu grâce à l'écologisme un nouveau marché pour trouver du travail à ses jeunes architectes devenus des chercheurs en sociologie chargés de prendre en compte l'histoire des lieux et leur "mémoire", pour se donner le droit d'en éradiquer les spécificités. Les exemples parfaits et absolument transparents à cela sont, dans l'ordre de leur spectacularistion : les Tours-Nuages d'Émile Aillaud, véritable drame et honte, Toulouse-le Mirail grignoté tout doucement (pourquoi donc cet ensemble ne fut pas protégé il y a vingt cinq ans ? Qui en avait le pouvoir et n'a rien fait ?) ou la Tour Montparnasse devenue Tour Hidalgo de la Communication écolo-libérale parfaite à sa propre éradication à venir. Et tant et tant et tant d'autres, tous les jours on apprend de nouvelles transformations.

Mais qui sait ce que devient l'école d'architecture de Nanterre ? Qui pour pointer du doigt ceux (agents du Patrimoine d'alors) qui n'ont rien fait pour la classer ? Que va devenir l'icône absolue qu'est la Maison du Peuple de Clichy dont on a vu comment elle fut abandonnée à la fois par les institutions locales du Patrimoine (régionales, municipales) mais aussi par le Ministère de la Culture. Faut croire que de ministre en ministre le mot est passé de ne rien faire...

On voit aussi comment l'exceptionnalité, l'étrangeté, le truc bizarre et marrant, l'icône reconnue et instagramée sont pris bien plus au sérieux  que les éléments urbanistiques ou architecturaux qui ont pourtant façonné l'idée de la Ville au siècle dernier. Ainsi on sauvera l'église moderne (et encore pas toujours) au milieu de la Cité mais on laissera détruire le plan d'urbanisme, le sens des circulation, le rapport à l'espace et l'architecture-même du Hard French dont les mots de la Novelangue font des "passoires thermiques", des "lieux d'insécurité" et donc des actions politiques possibles pour des politiques en manque d'actions sociales visibles et surtout visibilisées par le spectacle de la dynamite salvatrice. Boum, quand notre coeur fait boum dans un monde où le manque de logements construit un étrange parallélisme avec la destruction radicale de bâti.

On pourrait penser que face à certaines icônes les institutions patrimoniales ont un peu honte de la visibilité de leur manque d'action. Vous comprenez sauver la piscine Tournesol c'est plus sympa que sauver la Cité Trumuche que tout le monde ne perçoit plus que comme la plaque tournante d'un marché illicite. En réunion, face à la presse, on se donne le change d'une action symbolique. Mais si, mais si, regardez on a sauvé la piscine ! Voyez comme nous sommes attentifs à la mémoire des gens....On a fait venir une écrivaine et un artiste contemporain pour faire un travail avec les habitants. Youpi.

Alors bon, oui, il y a de bonnes nouvelles et même si c'est trop tard on peut tout de même voir un léger sursaut. Mais on sait à qui on ne le doit pas. On ne le doit pas aux institutions en charge de ce Patrimoine.
Toutes ces institutions...et leur fameux Label Architecture Remarquable qui reste la preuve évidente d'un manque de courage à classer. Faudrait tout de même pas trop en faire.

Je reste donc un rien chafouin, dans le doute, dans l'attente d'un vrai sursaut qui devrait prendre en compte ce retard de vingt cinq ans. J'attends un mouvement national, un désir venant d'en haut, un ordre, un enthousiasme peut-être. Et qu'on arrête, putain, qu'on arrête de faire semblant comme je le crains par exemple à Royan où si le Front de Mer semble vouloir retrouver un peu de légèreté c'est par sa nouvelle transformation ratée car n'ayant strictement rien compris à l'écriture d'origine au profit d'un projet fait de mots attendus et d'une politique de la ville voulant démagogiquement servir une population qui attend un certain vocabulaire : végétalisation, cyclable, pseudo-attention à l'écriture des années cinquante...épouvantable petit cirque et vocabulaire d'une agence servant la soupe de la tranquillité retrouvée. Ils ratent tout les politiques même la chance de tout retrouver. Pourvu que cette équipe d'aménageurs ne s'occupe pas des galeries Botton !

Allez...Réjouissons-nous. Une nouvelle génération arrive. Elle va s'en doute s'occuper dès à présent de l'héritage des années 90 et 2000. Espérons que les institutions aient déjà commencé à faire un bilan, à travailler sur des classements ou un inventaire car le délai de vingt cinq ans est arrivé. Alors ? Chiche ? Ce siècle a vingt cinq ans. Qu'allons-nous protéger ? Sauver ? Avec quelle énergie ? 2025 sera en avance ou encore en retard ?
Oh...en retard non ?

Pour illustrer cet article plein de bonne foi et d'optimisme, j'ai choisi une carte postale que j'aime beaucoup. Parce que c'est, en quelque sorte, de là que vient ce que je suis, ma parole, mes doutes, mes rêves, une certaine idée de l'architecture. C'est vous dire qu'il m'aura fallu beaucoup travailler et ne rien regretter, ne rien bouder et surtout ne jamais, face à ce monde, en avoir honte.
Bonne année 2025.

Pour revoir certains articles de 2024 :

Et n'oubliez pas d'écouter les Chroniques Corbuséennes sur Radio On.









mardi 12 novembre 2024

Mon Japon est comme ça

 Donc... j'ai acheté aussi un petit lot de cartes postales du Japon. Je me suis laissé dériver dans mes achats passant un peu outre la définition de ma collection pour me laisser happer par des images réjouissantes, m'offrant en quelque sorte l'idéal de ma vision d'un certain Japon, mega-urbain presque dystopique ou très cinématographique.
Un Japon de rêve.
Les plus fidèles de mes amis ont déjà une idée de l'autre Japon que j'aime :

Alors pourquoi ne pas passer un petit moment dans ces images, dans ces villes, au milieu d'une histoire déjà lointaine, très lointaine. On essaiera au passage de trouver quelques pistes d'architectes si possible mais ce ne sera pas très grave si on n'y arrive pas. On fera semblant que tout cela n'est qu'imagination.

Et voilà :


On ne peut rêver mieux que cette vue d'autoroutes qui se chevauchent, qui se mêlent, qui dominent presque les habitations et dont on ne peut croire à aucune logique urbaine précise. Au fond, domine une tour d'une grande banalité dont on nous apprend en français qu'il s'agit du gratte-ciel Kasumiga-seki.
Ce gratte-ciel a le droit à une belle page Wikipédia ce qui m'étonne, tout comme sa date de construction : 1965-1968.
L'éditeur porte un nom qui me réjouit et ouvre encore plus mon imaginaire du lieu : Nippon Beauty Colour !

Du même éditeur :



Là encore on dirait que l'on veut nous donner une leçon d'urbanisme. Au premier plan de minuscules constructions aux toits de tôle et au loin, comme une promesse à venir, des tours et des barres qui surgissent au dessus. Un peu de verdure, un ciel parfaitement bleu et voilà une image assez spectaculaire. Mais on ne nous donne pas les noms des tours et des architectes de ces monstres peu fantaisistes.
Celui de gauche est le fameux Sunshine 60. Il est encore bien isolé. Mais qui est celui tout blanc à droite ?
Il s'agit du Prince Hotel dont je ne trouve pas l'architecte.

Et là ? Vous comprenez le point de vue, ce qu'il veut nous raconter du Japon ? Regardez bien ce qui est visé. Vous voyez ?


Alors j'imagine que tout comme moi vous avez d'abord visé les immeubles dressés dans une concentration déjà impressionnante ! Regardez-moi ce prospect hyper-serré des deux tours dont la fameuse et si belle tour Sinshuku Sompo Japan ! On dirait qu'elles vont se toucher ! Être au sol entre les deux et lever le nez doit être une sacrée expérience ! Mais voyez-vous le Japon ? Je veux dire : voyez-vous son essence ? Oui ! Le Mont Fuji tout au loin ! Et bien évidemment il n'est pas dans le cadre pour rien...Et j'aime aussi ce tapis urbain qui coure devant les tours et qui se poursuit derrière presque jusqu'au pied du Mont Fuji. Incroyable. On devine aussi le chantier d'une tour en construction.



Les immeubles ont bien poussé ! Vous voyez, on retrouve le Sompo derrière ! On pourrait se croire à La Défense. Comment ne pas aimer ce rassemblement de buildings tapant dans un bleu un rien exubérant. On ne pas dire ici encore que ces tours réclament à être vues. Elles sont tout de même assez attendues dans leur grille, pas trop de fantaisie là encore. Pourtant je ne peux m'empêcher de trouver leurs variations comme un jeu optique, comme l'envie tout de même de faire vibrer les fonds d'oeil. Aucun nom d'architecte là encore pour cette belle carte des éditions Nippon Beauty Color

Pour finir voici deux vues aériennes montrant le bazar des petits immeubles et petites constructions qui semblent naitre comme ça sans aucune réponse les unes pour les autres, sans planification particulière, une sorte de souk urbain fabriqué par des autonomies architecturales. On note juste une certaine hauteur à peu près respectée. Pour le reste...c'est confus visuellement et j'adore ça.
Il y a pourtant une icône qui traine dans ce foutoir. Si...si...saurez-vous la retrouver sur la première carte ?