mardi 29 octobre 2024

Pour fabricants d'atlas et blanchisseurs de ciel

 Alors que je cherche mollement une nouvelle proposition d'article pour ce blog, j'hésite entre vous parler d'un V.V.F en Bretagne ou vous parler d'un Hôtel de Ville dans l'Indre. Je ne sais pas trop ce qui me fait penser que vous pourriez préférer le deuxième mais c'est bien celui que je choisis. Peut-être que par sa représentation, il affiche certainement bien plus la forme idéale de ce que vous attendez ici sur ce blog : une grosse machine un peu moderne, un peu brutaliste, passant un peu à coté de l'histoire mais ayant tenté (et réussi ?) à combler un besoin et à répondre à un programme en Province avec une certaine fierté imposante, celle d'une architecture volontairement contemporaine, presque trop définitive.

La voici :


Vous aurez compris que je ne peux pas laisser passer une telle représentation et donc une telle architecture ! Alors j'adore bien entendu ce genre de carte postale nous montrant de front de beaux blocs s'articulant avec bonheur sur un coin de rue, construisant en quelque sorte la ville autour d'eux. On notera aussi que le jeu des couleurs (tout est adouci de blanc) rend l'ensemble assez lumineux, assez clair, assez limpide presque amical. J'aime surtout la massivité et l'audace un peu bravache de ce morceau d'architecture qui voudrait un peu trop affirmer qu'il existe. "Regardez-moi" en quelque sorte.


Difficile de chanter une qualité particulière mais on sent tout de même là un vrai désir de faire travailler l'angle de la rue et de jouer avec la parcelle bien ingrate. Il fallait être malin pour, à la fois, faire une architecture qui se raconte (sa fonction d'Hôtel de Ville oblige à une certaine puissance) et faire un nouveau morceau de ville articulant justement, à la ville ancienne, cette nouvelle plate-forme de services.

Et cela remplace quoi ?

Le photographe qui est aussi l'éditeur, Monsieur M. Roussel (de Chateauroux) a fait le choix d'une vraie carte postale : frontalité, verticales redressées, ciel bleu, soleil franc et vide relatif de l'animation, seule une dame traverse la ville vide en visant la présence du photographe Mr Roussel. Et voilà ! Cliché parfait, presque trop, d'une certaine idée de la France et de son architecture de Province si décriée aujourd'hui, voir moquée au second degré par une certaine vision bourgeoise de la Photographie Contemporaine.
Vous savez tous maintenant de qui je parle, vous savez les fabricants d'atlas et les blanchisseurs de ciel.
Sur le magnifique et colossal site PSS, je trouve la liste des architectes de ce beau morceau : Pierre Bouguin, Gisèle Fiaud, Jean Maret, Marc Mogenet.
Si on en croit ce site, il semble bien que Pierre Bouguin ait rempli la ville de Chateauroux de son architecture et notamment d'un Hard French de bon aloi amoureux des grilles et des orthogonalités. C'est presque un archétype du genre. Je me précipite dans mon classeur Hard French mais je fais chou blanc...Tant pis ! Pour une autre fois.
Alors la question reste posée : comment regarder et appréhender ce genre d'héritage aujourd'hui ? Au delà du jeu des images aussi poétiques et bavardes soient-elles, il est difficile de penser (surtout pour l'héritage du Hard French) que le travail à Chateauroux d'un architecte de Province, Mr Bouguin, résiste à l'histoire. On verra...
Non, c'est tout vu.






samedi 5 octobre 2024

l'affaire du Foyer Moïse, l'enfer pavé de mauvaises intentions

 J'avais soutenu l'idée que le Foyer Moïse, foyer pour travailleurs construit dans la veine de l'héritage moderniste (humanisme-fonctionnalisme) puisse être sauvé. Ce beau bâtiment, intelligent dans ses fonctions et chargé d'une histoire nécessaire mérite bien d'être du patrimoine. J'avais même signé la pétition.

Ce matin, sur Linkedin (qui n'en finit pas de me réjouir sur le Patri-washing) je tombe sur ce texte :




Et là...je ne peux évidemment pas cautionner par ma signature un tel délire affecté d'héroïsme vintage à la Guy Debord. On dirait de l'agit-prop des années Pompidou. C'est ridicule d'instrumentaliser ainsi un juste combat patrimonial pour en faire un palier à une idéologie et ce, quelque soit l'idéologie et quelque soit le patrimoine qui, justement, dans sa définition devrait être l'espace du débordement des idéologies, la définition d'un bien commun apaisé. Laisser croire que les institutions refuseraient la patrimonialisation de ce bâtiment à cause d'un racisme systémique et larvé est vraiment ridicule et cela d'ailleurs affaiblit dans le même temps le combat patrimonial et le combat contre le racisme. Double peine en  quelque sorte.

On imagine la réaction épidermique des dites-institutions (dont on ne pas m'accuser de toujours être en accord avec elles...) devant l'utilisation d'une telle massue idéologique ! On dirait des ados énervés.  Et puis, on sait la misère en France de l'attention au Patrimoine Moderne qui a bien des raisons systémiques d'exister mais qui ne sont pas de cet ordre. La légitimité d'un combat ne peut prendre de l'épaisseur que si les armes pour le défendre sont les bonnes. 

Alors, certes, il ne fait (sans doute ?) aucun doute que ce Foyer Moïse est possiblement patrimonialisable dans son histoire, son usage, son architecture et dans l'accord assez rare d'une construction à son usage. En tout cas, on a bien le droit d'en débattre. Cela fait partie de notre histoire de l'architecture mais aussi du monde ouvrier tout comme la Maison du Peuple à Clichy si on veut bien faire descendre la hiérarchie des chef-d'oeuvres à ce point. Pourquoi pas...

Mais si cela doit d'abord être un étendard à l'agitation politique qui ressemble bien à une instrumentalisation de l'idée du Patrimoine pour affirmer des positions assez peu claires politiquement (enfin si...) et des accusations ridicules mais aussi assez graves alors je crois que ce n'est pas du tout ce que je défends ici. Je pense que le combat pour la reconnaissance du Patrimoine Moderne mérite bien plus une profondeur scientifique, une culture plus large de nos élus, de la population, de nos représentants culturels, et de nos étudiants et étudiantes sur cet héritage. Mais alors mettre de la lumière sur un morceau oublié ne doit pas se faire au détriment d'une certaine tenue qui est le signe non pas d'une collaboration active à des pensées racistes mais bien une analyse juste par le débat de ce que, en commun, nous considérons comme du Patrimoine.

Et puisque les anonymes de Échelle Inconnue ont l'air de s'intéresser aux combats patrimoniaux et à la justice social et son histoire, je leur conseille de se mobiliser aussi pour la synagogue d'Elbeuf.

L'un n'empêche pas l'autre, il parait....

David Liaudet

Pour voir ce bâtiment et ses défenseurs (dont je fais partie mais pas comme ça) :

https://www.echelleinconnue.net/accueil/foyer-moise/foyer-moise.html