vendredi 5 juillet 2024

Les triangulaires de Guillou



 Ah ! Voilà bien l'occasion pour certains de crier à nouveau à la traitrise des images et particulièrement de la photographie !
Comment, en effet, depuis ce point de vue, comprendre vraiment la volumétrie de ce restaurant universitaire de Nantes, restaurant dessiné par le célèbre (et breton) Yves Guillou ?
Ce qui surprend si bien c'est comment l'extrémité du bâtiment semble n'être qu'une lame sans épaisseur.
Bien entendu, le restaurant universitaire n'est pas ainsi aussi étroit dans cet espace et la pointe à l'arrière nous explique mieux, par sa transparence, ce que nous devrions comprendre de cette architecture.
Cela donne au bâtiment de Guillou une véritable écriture presque post-moderne ou du moins High-Tech, écriture qui n'arrivera que bien plus tard pourtant.
Ici, un beau mur-rideau bien fin vient remplir la carcasse de béton en formant donc des branches triangulaires, comme une étoile permettant sans doute d'ouvrir largement les point de vue, produisant aussi un jeu plastique avec les croisements des regards d'une pointe à l'autre : quelque chose de ludique et de cinétique.
On peut donc assez facilement penser que Guillou avait prévu ce jeu optique, ce plaisir du développement de l'épaisseur par la circulation autour de la forme. 
La carte postale est une édition Artaud qui ne nous donne pas le nom du photographe qui a attendu un drôle de moment lumineux pour faire son cliché. L'ombre du premier plan ne laisse que peu de chance à la lumière de faire jouer la transparence des fenêtres qui semblent bien sombres. Peut-être aussi que le verre prenant trop le soleil et le renvoyant ne permettait pas d'attendre que celui-ci frappe et revienne depuis la surface vitrée en éclats trop puissants.
Dans mon Fonds, je retrouve assez facilement Guillou avec une autre carte postale que j'aime tout particulièrement pour la qualité assez étrange de son édition au-delà bien entendu de la forme architecturale qui est ainsi proposée.
L'église de Caudran. 


Tout est si propre, si net, si tendu que l'on pourrait croire à une photographie de maquette. Monsieur Marigny l'éditeur a-t-il vu ce glissement plastique possible ? En tout cas, l'église de Caudran est bien attribuée sur cette carte postale à Guillou. On admire une fois de plus comment l'architecte semble aimer les triangles, les angles pointus, les masses. Ici c'est tout le toit qui fait architecture se posant sur le sol. Il ne reste de verticales que la petite bande de pierres sous le porche creusé dans l'épaisseur et ce bandeau blanc immaculé qui dessine un A majuscule dont on ignore le sens. C'est d'une grande beauté cette image et cette architecture. Ça ne rigole pas....Là aussi, difficile de dire ce qui dessine vraiment le lieu entre l'image et l'architecture. Il ne fait aucun doute que Guillou fait une architecture d'images, prompte à faire des formes pures sous la lumière, une photogénie qui pourrait prendre le pas sur le sens des espaces. Cela se veut spectaculaire et moderne en offrant pourtant comme base une certain registre formel assez traditionnel (le toit en ardoise en double pente) ici surjoué, sur-dimensionné, exubérant, on dirait presque baroque. Comme si la Modernité ne pouvait rester ancrée dans la tradition qu'en hypertrophiant ses caractéristiques. C'est assez curieux et assez représentatif de l'époque. 
Promis, dès que je le pourrai, je vous montrerai l'intérieur absolument magnifique.

Pour voir ou revoir Guillou :

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