On peut toujours se demander à qui sert ce type d'image ? Pourquoi donc laisser si peu de place à l'architecture dans cette photographie ?
On peut aussi répondre de la sorte : l'architecture y est justement à sa place et c'est la manière de bien la montrer.
En effet, trop habitués que nous sommes à ce que la carte postale porte le monument en plein cadre, on est toujours interrogatifs devant une proposition tentant de fait de conceptualiser l'objet architectural dans son paysage. Mais peut-on parler de paysage lorsqu'on est ainsi suspendu dans le ciel, au-dessus de la Chapelle de Ronchamp de Le Corbusier ? Qui a vraiment l'opportunité de voir ainsi La Chapelle ? Est-ce bien là un point de vue de l'architecte ?
Car, ici, perdue dans la forêt, dans les collines, dans la topographie, La Chapelle ne ressemble pas à grand chose d'autre qu'un éclat blanc (trop blanc ?) venant faire travailler le terrain et l'étendu qui semblent infinis, comme si ce petit morceau de blancheur était le seul artefact sur ce sol immense.
On peut le dire: personne ne voit vraiment l'architecture de Le Corbusier comme ça, personne pour décoller depuis son sol et réintroduire de la sorte une telle échelle, une telle proportion entre la construction et sa géographie. Je fais exprès de ne pas dire son paysage.
Veut-on nous convaincre de sa parfaite intégration ? Veut-on, au contraire, nous montrer comment c'est l'architecture qui est le point principal de cet environnement ? Comment c'est elle qui le construit ?
On remarque d'emblée la dramaturgie de l'image, le ciel menaçant et contrasté, la dureté des noirs, le parfait équilibre de la composition, La Chapelle posée à exactement deux-tiers du ciel et un tiers du sol et centrée dans sa largeur. Le monde semble vide autour d'elle.
Comme on ne sait rien du photographe qui n'est pas nommé, il est difficile d'argumenter sur ce désir précis d'image. Sans doute que le pèlerin, à pied, a-t-il besoin d'une telle réinscription dans le réel de cette géographie pour savoir par où et comment et pourquoi il est venu ici, sur ce sommet précis, heureux de pouvoir devant ce type d'image se positionner enfin dans son cheminement.
Car l'ascension de la colline de Ronchamp est d'abord religieuse. Elle n'a d'existence que pour la découverte du lieu ainsi sanctifié devenu par la force de l'architecture, un pèlerinage aussi oecuménique que sacré, aussi esthétique qu'obligé vers, à la fois Dieu et...le Corbusier.
On fait le pèlerinage vers Corbu tout autant maintenant (et peut-être plus) que vers le lieu sanctifié.
Retournement du sens ?
Il serait donc bon, par ce type de proposition d'image, de redire la modestie de l'objet face à la grandeur du monde, de dire que ce morceau tortueux et complexe à la fois contraste et construit son rapport au monde dans une certaine idée du miracle : l'architecture.
Après l'ascension, redescendre sur terre.
La carte postale n'a ni nom de photographe, ni nom d'éditeur. Elle fut imprimée à Lyon chez M. Lescuyer & Fils, imprimeurs. La photographie provient des Archives de La Chapelle. Voilà qui est bien court pour déterminer si je me trompe.
Bien à vous. Vous entendez comme moi le bruit du moteur de l'avion ?
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