Peut-on parler d'une architecture et la comprendre sans vraiment la voir, du moins sans voir sa silhouette extérieure ? Pourrait-on en comprendre son sens, sa poésie seulement par quelques détails et quelques manières de l'habiter ?
On peut facilement répondre oui à ces questions quand la construction est une icône et qu'elle ne nécessite nullement à nouveau d'être montrer. Elle est tellement inscrite dans nos imaginaires et pour certains d'entre nous dans nos souvenirs (différence de l'usage) que, finalement, on peut facilement se passer d'une trop large vision de son extérieur.
La Chapelle de Vence fait partie sans aucun doute de ce type de références architecturales. Les amateurs de peinture, les aficionados de l'architecture et de l'art moderne n'ont sans doute pas besoin de voir en effet la dite-Chapelle.
Ce matin, je me réjouis de tout un petit lot de cartes postales et de photographies de cette Chapelle de Vence que, (eh oui...), personnellement je n'ai jamais visitée. Mais ne me jetez pas la Pierre trop vite (c'est celle sur laquelle je construis mon église imaginaire) je crois que je peux dire qu'à force d'en voir des images, des représentations, des dessins ou des photographies je la connais bien. Et, non, je ne rougirai pas d'une telle assertion !
Surtout que, dans ce petit lot, je me réjouis de trois cartes postales, cartes que je cherchais tout particulièrement et qui nous montrent un prêtre portant les magnifiques chasubles dessinés par Matisse. Je n'aime pas ces images, je les adore, je les vénère.
On notera d'emblée qu'il me semble que ce soit bien trois prêtres différents ainsi habillés qui nous présentent les magnifiques peintures-collages devenus vêtements de Matisse. Les trois cartes sont du même photographe : H. Adant. Je ne sais rien de lui et j'ose rêver à une seule prise de vue des trois poses expliquant que les porteurs soient différents. Tout cela sent un peu la mise en scène, le désir de bien nous montrer que l'architecture de cette Chapelle de Vence est aussi complétée par son usage et par la peinture de Matisse qui couvre tout : murs, vitraux, prêtres.
Et comme tout cela est d'une grande beauté, d'une extrême délicatesse presque, dans son vide magnifié, japonisant, zen. On dira simplement : dominicain.
Mais on pourrait aussi ajouter que cette Chapelle dans sa blancheur d'écran avait besoin pour être bien saisie en image de quelqu'un au travail, de quelqu'un qui danse ou qui pose pour en donner l'échelle, le blanc écrasant un rien les profondeurs, du moins, suspendant justement les échelles. Ici, bras écartés, gestes amples, masse du tissus des chasubles, tout cela s'accorde à nous dire la place de l'homme dans cette petite construction à la fois modeste et rigoureuse.
L'espace des oeuvres et des corps jouant à être à leur tour des oeuvres (les prêtres deviennent des porteurs d'Art) c'est bien là l'essentiel de cette architecture dont le plan suffit à dire sa simplicité et seul l'angle de l'autel crée une perturbation, un doute, une malséance que le croyant saura reconnaitre comme celui de son doute. La perfection divine serait-elle faite ainsi d'un léger décalage, de ce qui semble une imperfection ? Un biais ?
Voici deux photographies qui ne sont pas des cartes postales mais qui sont tamponnées de La Chapelle du Rosaire et l'une d'elle de Eggermont, photographe. Toutes deux sont également annotées à la plume de novembre 1954. Matisse décède le 3 novembre 1954. On pouvait donc aussi acheter ce genre de souvenirs là-bas en ce temps. Le noir et blanc fait bien oublier ici la teinte dont nous parlions plus haut. Mais un détail me frappe sur l'une des photographies, un détail sans doute un peu ridicule mais qui m'intrigue : comment la porte du fond n'est pas bien ajustée et laisse le jour passer. C'est un peu, avec humour...inconvenant.
D'abord, cette étude pour Saint Dominique dont la carte postale nous précise qu'il s'agit d'une lithographie. Qui a réussi à faire aussi pur, premier, essentiel depuis ?
J'ai compté : huit traits, huit lignes de crayon pour une telle intensité, une telle présence. Jalousie complète.
L'autre est aussi Saint Dominique, on en reconnait, si j'ose dire, le visage.
La carte nous dit qu'il s'agit cette fois de céramique.
La main est incroyable.
Tout est incroyable à Vence.
On notera tout de même qu'aucune de ces cartes postales ne nomme les architectes qui réalisèrent avec Matisse La Chapelle de Vence : Auguste Perret, Louis Milon de Peillon avec les désirs du Frère Rayssiguier.
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