samedi 30 juillet 2022
Les Venturi en France
lundi 25 juillet 2022
Toi le photographe
Toi, le photographe qui part en patrouille au petit matin, qui regarde avant Instagram, qui a entendu parler de New Topographics, de l'Urbex, toi à qui ta petite amie a offert le Archi-Brut de Chadwick et qui croit en cette soupe, toi qui blanchit tes ciels sous Photoshop dont tu as récupéré une copie piratée par un copain graphiste à Nantes, toi le photographe qui croit encore que Bernd et Hilla Becher étaient des artistes contemporains, toi qui voit toujours un peu en retard les icônes de l'architecture moderne et contemporaine, toi qui croit que la série est le seul mode de photographie possible, toi qui construit des Atlas et qui imprime sur du Dibond tes images pour leur donner un peu du lustre culturel, toi le photographe qui a fait de l'argentique comme une valeur ajoutée, toi qui ne veut personne dans son cadre pour donner du solennel à son image, du mystère, quelque chose de froid, de distancié, toi qui ne sait rien de l'architecture et des notions d'espaces, de seuil, de passage, qui ne sait pas lire un plan, toi qui croit que la façade, l'épiderme de la construction suffisent à comprendre, toi qui voudrait trouver un lieu inédit, original que personne n'aurait jamais vu avant toi, tu te voudrais inventeur d'icônes, toi qui ne veut jamais dire où sont tes spots pour garder la main sur ce que tu crois être une originalité, toi qui associe parfois l'habitant pour te justifier, te donner la permission du safari, comme un sociologue de l'image, toi que ne lit rien sur l'histoire de l'architecture parce que ce qui compte c'est la surface des choses et pas leurs raisons d'être, toi qui n'analyse rien, qui laisse, crois-tu, tes images parler toutes seules comme tu dis, toi le photographe qui n'agit pas, ne défend rien, toi qui court dans les mêmes lieux que tes congénères, toi qui pense que photographier une architecture sur dalle est le summum de la subversion artistique, qui croit encore que aimer le Brutalisme est anti-conformiste, subversif, toi pour qui l'hétérotopie est le mot et le concept le plus compliqué que tu connaisses, toi qui parce qu'il marche en ville se croit en dérive comme ce pauvre Guy Debord, toi qui croit que photographier ce que le commun trouve moche sera ton summum de rébellion, ton avant-garde, toi qui rêve de la friche idéale trouvée au détour d'un virage, toi qui passe par-dessus ce mur, qui pousse cette porte avec la petite peur amusante de l'interdit, ce frisson qui justifiera tes images, je te propose ça :
samedi 23 juillet 2022
Perret Vocabulaire
samedi 16 juillet 2022
Le Gers et Babel en Normandie
mercredi 13 juillet 2022
Après les Trente Glorieuses, les Trente Dépressives* ?
dimanche 10 juillet 2022
...aux chiottes l'architecte !
Voilà bien un document étrange et qui additionne à lui seul plein de raisons de ne pas exister et, dans le même temps, affiche un certain courage (pragmatisme) à sa raison d'être.
On sait que les architectes ont souvent promu leurs créations au travers du médium carte postale (de Guimard à Sarfati), on sait que les fabricants d'éléments architecturaux ont fait de même et que les promoteurs et inventeurs de construction ont aussi suivi cette voix. Mais si il est fréquent de chanter par l'image toutes les particularités et inventions d'un architecte pour ses constructions, il reste toujours un espace dont on tient assez peu compte surtout quand ce dernier se veut...indépendant dans son usage : les toilettes et urinoirs. Si on pourrait bien trouver des cartes postales de fabricants d'urinoirs et de toilettes publiques, on s'étonnera sur cette carte postale que ceux-ci soient revendiqués comme oeuvre d'un architecte !
Regardez le courage de Maxime Audhoin qui diffuse donc son travail pour les fluides de cette manière :
On notera que cette carte n'appartient pas vraiment à ma période habituelle mais je n'ai pu résister à vous la partager. On y voit dont des messieurs (car oui l'utilisation et la fierté de l'oeuvre ici semble surtout masculine...) qui posent donc solidement devant la réalisation d'urinoirs conçus par l'architecte Maxime Audhoin. Comme c'est une carte postale ancienne les spécificités et précisions sont notées sur l'image : Tréfileries et Laminoirs du Havre, Usines de Rugles, Maxime Audhoin architecte, Groupe de W.C en Ciment Armé avec fosse septique automatique.
Il ne fait alors aucun doute que la Modernité ici tient à l'alliance d'un matériau relativement nouveau, le ciment armé, et d'un désir d"hygiène si typique de l'époque par la rationalisation de la construction, son pragmatisme de la tâche en quelque sorte. On notera que l'esthétique est loin d'être oubliée avec un beau travail de corniche, une forme resserrée proposant blocs et auvents. On ne sait pas si ici les éléments étaient préfabriqués mais on peut le penser, l'idée étant certainement de diffuser le modèle et donc sa rationalité pratique. On note le beau volume de la fosse sceptique pas encore enterrée et laissée volontairement visible pour documenter techniquement l'oeuvre de l'architecte. L'un des messieurs est même carrément installé dedans avant son...remplissage.
J'ai effectué la visite normale des lieux pour tenter de retrouver l'architecture mais il semble bien que cet ensemble ait disparu. On peut tout de même affirmé que ces W.C devaient être construits pour l'usage des ouvriers et personnels de l'usine. Mais comment cette usine a-t-elle pu demander à un architecte comme Audhoin de lui construire des toilettes ? Est-il, cet architecte, connu et reconnu pour ses fabrications d'urinoirs modernes ? Avait-il cette réputation ? Comment diable avait-il pu être ainsi contacté ? On sent bien qu'il s'agit là d'un document appuyant le désir de modernité et d'hygiénisme, de montrer la performance et l'intelligence rationnelle du dispositif mais tout de même...de là à en faire une carte postale pour diffuser ce travail ? Et qui et comment pouvait-on se procurer cette carte postale dont l'usage pour l'expéditeur est assez clair mais pour le receveur reste assez étrange, et cela j'imagine, même à cette époque pourtant prolixe en invention en tout genre ? Vous imaginez la scène au moment de la prise de vue ? L'humour sur l'objet, la drôlerie de trouver des places sur l'images ? La saveur de faire un document sur un objet pareil ?
On note que l'un des hommes, celui assis, pourrait porter les plans de la construction. S'agit-il de Maxime Audhoin ? Tous bien habillés, ils ne ressemblent ni à des maçons ni à des terrassiers à part, peut-être, celui de gauche. La carte semble datée (affranchie) de l'année 1910 ce qui ferait environ 27 ans pour notre architecte. C'est donc possible. Pour cet architecte, l'excellent et toujours pratique site PSS nous indique trois entrées dont un très bel immeuble Art Déco à Valenciennes.
Vous aurez noté que je ne fais aucune allusion dans cet article à l'érotisme de cette image. (Oups...trop tard...)
Voilà le petit immeuble, on note une très belle écriture franche, audacieuse et moderne. Espérons que ce morceau soit protégé. En tout cas, il semble en excellent état !