On peut facilement et régulièrement ici sur ce blog se demander quelle image particulière construit notre imaginaire sur une architecture. Comment la construction finalement se donne à voir dans nos projections, comment on croit la condenser en une seule icône qui passera sur tous les autres possibles et qui en résumera un peu comme un logotype une forme essentielle ?
L'idéal de la carte postale qui est si souvent dénoncé, mal aimé, relégué est pourtant souvent l'image de ce point de vue unique dans lequel nous aimons tenir la représentation entre nos doigts. L'histoire de l'édition de cartes postales est faite de certaines exceptions, de désirs de passer outre afin de partager de belles images (beauté exprimée par l'inattendu) que l'originalité du point de vue va fonder comme artistique. Oh ! La belle image ! Oh voilà un cadrage ou une lumière inattendue ! Oh ! Personne n'avait regardé ce bâtiment de la sorte ! Oh ! Est-ce encore le bâtiment qui est le sujet de cette image ?
Et ça donne ça :
Dorénavant, après la lecture régulière de ce blog, vous aurez reconnu l'éditeur : Prestige. Le P majuscule signe cette carte postale avec une certaine ambition artistique, volontairement hors du jeu habituel des cartes postales lambda. Un peu plus chères que leurs consorts, ces cartes exprimaient le goût d'un luxe, d'une originalité artistique. On dira : un certain regard. L'acte d'achat d'une telle carte postale à l'époque voulait aussi signer une certaine compétence du jugement artistique et esthétique pour sortir du lot. Un acte fondamentalement social communiquant autant par ce qui se passe d'artistique dans la photographie que sur la pulsion d'achat elle un peu à coté, culturellement décalée.
Avouez que ce point de vue sur la Tour Montparnasse est particulièrement réussi ! Quel cadrage ! Quelle lumière ! Les records des lignes entre elles, la force de toutes les verticales, l'arc-en-ciel du premier plan venant contraster avec la colorimétrie générale construisent une image particulièrement solide. Et la petite animation des visiteurs dont les petits panaches de fumée ajoutent une poésie fragile donne à la photographie quelque chose de tendre mais permet aussi de saisir l'échelle du monstre architectural, monstre malheureusement menacé par un futur tuning bobo-chic.*
Mais je vous entends derrière votre écran demandant qui est donc à l'origine de ce très beau regard sur la Tour Montparnasse. Il s'agit de Marc Garanger bien sûr ! Il serait bien de comprendre comment la carte postale a participé à son oeuvre, comment elle fut une extension pour diffuser son travail et peut-être aussi un véritable espace d'exposition. Il faudrait aussi savoir si ce type de photographie fut penser et créer pour la carte postale ou si il s'agit d'une sélection dans un fonds photographique déjà constitué. Je penche pour cette idée.
Alors quelle image devront-nous garder maintenant de la Tour Montparnasse avant sa transformation ? Il ne fait aucun doute que le cadrage de Marc Garanger en dit beaucoup de sa puissance. J'aimerai maintenant me souvenir surtout de cette image, me souvenir ainsi de la Tour Montparnasse.
*Sur ce blog, vous trouverez beaucoup d'articles sur la Tour Montparnasse que nous aimons beaucoup. Je vous conseille tout particulièrement celui-ci :
http://archipostalecarte.blogspot.com/2017/12/punir-la-tour-montparnasse.html
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