lundi 2 septembre 2024

Nous les gilets jaunes de l'Art, de l'Architecture et du Patrimoine


Dans "Ministre démissionnaire", ce que j'aime le plus c'est démissionnaire surtout avec Rachida Dati. La démission lui va comme une fragrance de Dior, à la fois un peu trop capiteuse et s'évaporant bien vite.

On aurait pu croire (j'y ai cru, je suis naïf que voulez-vous...) que ce dont elle se réclamait comme perturbatrice du jeu des émancipations lui permettrait un regard et surtout une action dans le domaine de la Culture et de l'Art. On aimait le coté Vintage de son attachement aux M.J.C ou sa vision de la télévision des Trente Glorieuses : un mélange des dossiers de l'écran avec beaucoup de bonne nuit les petits... On voyait bien la petite fille de banlieue faire son chemin mais la petite fille a pris l'émancipation comme une vengeance de classe, un peu comme Annie Ernaux ou comme le maintenant triste car devenu trop iconique, Édouard Louis. Fais gaffe, devenir une image ce n'est bon pour personne, Eddy.



Rachida, elle, elle ressemble de plus en plus à Stephen, ce serviteur trop zélé joué par Samuel J. Jackson dans le film de Tarantino : "Django Unchained". Au lieu de prendre le risque de sa liberté, elle se plie aux manières des dominants pour en tirer les privilèges. Ma grand-mère qui travaillait aux tissages sur des métiers épuisants me racontait souvent comment, parmi les ouvrières, il y en avait toujours qui accéléraient la cadence de production lors des visites des patrons pour se faire bien voir de ceux-ci et des contre-maîtres, obligeant les autres ouvrières à suivre cette cadence infernale. Ma grand-mère me racontait aussi que la vengeance ne tardait pas et que la collaboratrice zélée des patrons retrouvait ses chaussures clouées au sol dans les vestiaires...On aurait du clouer les Louboutin de Rachida au parquet du Ministère de la Culture avant qu'elle parte.

Madame Dati a raison : il y a bien une aristocratie culturelle. Elle s'exerce surtout par les filiations, par les héritages, par des carrières toutes tracées sur celles des parents ayant souvent eux-même hérités. On en entend souvent sur France Culture qui viennent raconter leur "chemin de vie" comme étant normal alors-même qu'il n'est possible que pour cette aristocratie si particulière de la Culture. Les héritiers sont ainsi presque devenus avec l'aide d'une sociologie (elle-même souvent formée d'héritiers qui s'auto-observent) des figures normatives : une catégorie finalement acceptable voir légitimée par un monde en vase clos. 

Papa faisait des performances rigolotes, je vais en faire aussi. Atavisme du ridicule.

Il y a bien aussi une aristocratie des lieux culturels, certains espaces devenus des églises à sachants, des rond-points de l'entre-soi culturel.  La France en est couverte en été.
C'est difficile pour ceux qui rêvent de créer d'autres espaces plus ouverts car le risque c'est alors de tomber dans une autre catégorie socio-culturelle : le si libéral tiers-lieux...Voyez par exemple la "friche Darwing" à Bordeaux. C'est effrayant :

Un jardin "flou" type friche conscientisée (Oh! merci Gilles Clément) une tatoueuse des murs couverts de grafs + des Start-up sur palettes recyclées + de la bière locale Bio = le lieu culturel d'aujourd'hui ?

Et puis il y a les complices, les artistes eux-mêmes ayant saisi d'ailleurs souvent avec intelligence ce que réclame à la fois l'aristocratie culturelle et ses espaces protégés de notre époque. On voit alors ces artistes partir en safari dans la diagonale du vide pour remplir des centres d'Art, des F. R.A.C amusés de leurs découvertes si étranges : les vrais gens. On les voit toujours voulant faire participer ceux qui vivent-là vraiment à cet Art Contemporain, art qui semble comme une couleur dont on habille les agriculteurs que l'on photographie, dont on écoute à peine la parole, sans comprendre que le récit de la chasse au sanglier est bien plus l'oeuvre culturelle qu'il faudrait sauver en lieu et place d'un regard faussement complice sur des citoyens n'ayant pas les signes culturels pour comprendre qu'ils sont (littéralement) déguisés, instrumentalisés comme des objet anthropologiques libres de droit. On appellera ça la condescendance contemporaine. 

L'artiste contemporain vient donc détourner les signes d'une culture qu'il effleure pour y coller ceux de l'Art Contemporain et s'amuser, comme un (ou une d'ailleurs) potache, s'amuser de ce que lui sait du si fameux second degrés et que l'autre, l'indigène (ce mot ne me fait pas peur), lui ne sait pas. Tout cela avec la morale habituelle de ceux qui se croient en position de faire descendre une culture vers une autre, c'est à dire établissant de fait eux-mêmes la hiérarchie des valeurs culturelles. Et puis...il ou elle rentre chez lui, chez elle. Il est à quelle heure le train pour Paris ou celui de Nantes ?

Vous savez, ceux qui s'étonnent qu'il y ait des graffitis sur les murs des granges en campagne....Ils ont l'impression d'y avoir vu quelque chose. Ils font des inventaires.
Ou celui-là qui dort dans une bouteille géante. Il a le temps (sur qui ou quoi le prend-il ?) de dire au monde que ses loisirs sont de l'Art. Admirez ma fantaisie si libérée, JE performe, voyons !

Au moins, Edouard Levé, ses vanités dans Oeuvres, lui n'avait fait que les écrire....

C'est donc une autre forme de petite bourgeoisie, sourire en coin (toujours Duchampien) qui fabrique une expérience plastique souvent creuse et qui se vide dès que les signes sont visibilisés, dès que la surface ironique des choses est percée. Mais on rit au dépend de qui ou de quoi dans leur monde ?
Est-ce bien là ce que voulait dénoncer Dati ? Est-ce, au contraire, ce qu'elle voulait soutenir en associant la ruralité (qui serait donc de fait en manque de cette Culture) à cette vision de l'Art ? Ruralité qu'il faudrait donc corriger car pas assez frottée à l'autre monde, celui justement auquel elle, Rachida, elle a voulu appartenir ?


Je vous conseille de lire ça. C'est hallucinant ! Le maillage en Province (et donc en ruralité) des écoles d'Art y est...simplement...absent...Bien joué le Ministère de la Culture.

Approchent les Journées du Patrimoine, ce rendez-vous joyeux, populaire (il faudra faire une étude sur le public populaire de ces Journées) qui a pour objectif d'éparpiller façon puzzle l'émerveillement culturel sur tout le territoire, dans toutes les catégories de ce Patrimoine dont, une fois encore, on se demande qui en définit les bords dentelés. Car ce qui a été oublié et qui est redécouvert semble bien maintenant devenir de fait du Patrimoine. Le monde ouvrier est maintenant muséifié. Pas au Pakistan, je vous l'assure.

Le risque de ce genre de manifestation c'est bien de remplacer l'histoire par ce qu'on n'ose plus appeler du Folklore mais par une manifestation culturelle et inclusive. Ce serait parfait. À ce titre, les Régions cherchent, chacune leur tour, ce qui les constituent comme territoire culturel, comme particularité, une image facilement assimilable, pas plus dure à enfiler qu'un T-Shirt Gauguin acheté dans les rues de Pont-Aven.




Le retournement culturel du Havre en est un autre exemple affligeant. Certains appellent cela la gentrification, en fait c'est un rapt social appuyé sur la Culture.

Alors, certe, il est toujours bien de penser à un certain partage de la Culture et de l'Art, de penser que c'est toujours bien d'être informé, de pouvoir visiter, ici ou là,  les chiottes de l'Élysée ou le vestiaire des mineurs de fond mis, pour une journée, sur le même plan. Mais il y a toujours quelque chose qui manque, qui, je devrais dire, a disparu : la Culture justement. Car si il y a quelque chose qui ne devrait pas pouvoir se fabriquer parce que, dans une société vivante, elle émane, c'est bien la Culture, cet objet étrange qui ressemble à un blob, toujours mouvant, toujours glissant mais qui est fait de ce que produit une époque et surtout, surtout de ce qui est constitutif d'un apprentissage en commun d'un héritage commun de formes et de pensées qui devraient nous appartenir à tous. Pour cela, il faut la pratiquer la Culture et pas la déclarer. Je suis désolé mais oui la Culture est par nature conservatrice.

Savez-vous qu'il y a des étudiants et des étudiantes au Beaux-Arts en troisième année qui ne sont jamais allés au Louvre ? Ce n'est pas de leur faute. Non. Mais la faute de qui alors ? Qui ou quoi faut-il blâmer ?

Rachida, t'aurais pu, à nous les culs-terreux provinciaux de l'Art, de l'Architecture et du Patrimoine nous donner des tickets de train et de bus pour qu'on vienne à Paris avec les gosses voir les musées.

Peut-être que le Louvre est devenu un objet trop violent pour notre jeunesse ? 
Vaut mieux commencer par Assassin's Creed ? 
Comme cette figure masquée qui courait sur les toits de Paris lors de l'inauguration des Jeux Olympiques, exacte image de là où on en est du maniérisme des signes culturels par trop sur-joués et humidifiés des larmes pathétiques d'une Daphnée Burki dont les nerfs lâchent devant l'apparition, dans son réel, d'un wokisme attendri et, pire que tout, d'un wokisme qui s'excuse d'en être...
Costumé en quelque sorte en émotion incontrôlable et donc sans pudeur. Sans pudeur.
Une fontaine en quelque sorte, une fontaine de Duchamp bien entendu.

Même pas honte.







Alors il ne fait aucun doute que la mobilisation pour le Patrimoine aura bien lieu, que les gens y trouveront des joies et des plaisirs, qu'ils y découvriront des espaces, des histoires, un sens commun avec un peu de chance. Tant mieux. Deux jours de communion populaire.
Pour ma part, j'irai voir les travaux de la Synagogue d'Elbeuf, voir si elle est ouverte à la visite. J'ai envie de retrouver quelque chose qui, même de très loin, m'appartient réellement, comme un sentiment culturel, quelque chose, en quelque sorte, qui m'appartient oui malgré moi. 

Malgré moi.

Walid Riplet

PS: En haut de l'article, comme un cul de lampe prémonitoire, je vous offre cette carte postale du nouveau pont de Sens, dans l'Yonne. Cette carte postale des Éditions Nivernaises, nous montre un objet peu regardé aujourd'hui par le Patrimoine et son public. Pourtant, il est bien dessiné ce pont, il est utile, il correspond parfaitement à cette thématique des Journées du Patrimoine. Et, avec un peu de chance, il vous emmènera vers le Centre Commercial de Sens, dessiné par Claude Parent et Jean Nouvel.
Une certaine idée de la France, de ses provinces et de ses trésors. 
Admirons comment le photographe a cadré cette photographie laissant un grand aplat de gravier au premier plan, nécessaire pour le pont entre dans le cadre et que, d'un ciel bleu étendu et vide, le pont se jette sur une petite barre moderniste. Superbe image vernaculaire pour autochtones.
La bise de Sens.

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